LA MORSURE - Romain de Saint-Blanquat

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Loup, y es-tu ?

Derrière sa superbe photographie, un film qui énonce son sujet à défaut de lui donner vie. 

Pour explorer les thématiques de la fin de l’adolescence, Romain de Saint-Blanquat choisit le charme vintage des années 1960 et les couleurs du surnaturel. La Morsure se déroule sur une nuit, durant laquelle une adolescente va sortir de son quotidien étouffant pour suivre un vent de liberté. Le film commence par une certitude de Françoise suite à une vision nocturne : elle va mourir le soir même. Cette épée de Damoclès reste toute la durée du film au-dessus de sa tête, car commence alors un périple éthéré. Elle fugue de son internat religieux avec une amie, brisant ses chaînes doctes pour goûter au frisson d’une fête avec des membres du sexe opposé. En arrivant dans une demeure perdue au milieu de la forêt, c’est une plongée dans un univers feutré et étincelant, à la frontière du kitsch. Les choix esthétiques démontrent un vrai amour pour le cinéma de genre des années 1960,  comme celui d’Argento. Le travail minutieux sur la photographie et les décors plante une atmosphère onirique où le fantastique guette.

On peut sentir les thématiques de prédilection de la figure vampirique : la sexualité, la liberté, les pulsions. En revanche, si plusieurs indices font planer la présence d’un vampire, celui-ci ne se montre jamais et reste à l’état d’image. De la même façon, le film ne donne jamais vraiment corps à son sujet. Cette nuit se veut représentative d’un moment charnière de la fin de l’adolescence. Mais lorsque les jeunes abordent en quelques phrases le sentiment d’être perdus dans leur passage à l’âge adulte, le dialogue sonne faux. L’écriture peu inspirée en fait un échange purement théorique, loin d’un vrai vécu adolescent. À trop vouloir en faire un voyage onirique, les actions et l’essence même des personnages se diluent. On ne sait finalement rien de Françoise, alors que le film se centre sur son vécu. Sa fugue et sa soif de petite mort sont esquissées à travers une vision fantasmée de ce qu’est être une jeune adolescente. 

Le film ne réussit en effet pas le pari de créer de l’empathie pour Françoise, que l’on a l’impression d’observer de l’extérieur, sans comprendre ses véritables intentions. Elle exprime son intériorité par des cris et semble à tout prix avancer vers sa mort supposée, malgré sa frayeur apparente. Entourée des autres personnages comme par des marionnettes, elle réunit les éléments pour que sa vision se réalise de manière trop assurée. La nuit tire en longueur jusqu’au moment culminant, qui se révèle sans surprise être celui où elle perd sa virginité. La scène, très esthétisée et peu pudique, met mal à l’aise. Comme le reste du film, elle paraît à côté de la sincérité maladroite des adolescents, et très loin du vécu des jeunes filles à cette étape de leur vie. Avec l’aube vient le relâchement pour les personnages, mais pas pour le spectateur, qui, lui, reste sur sa faim.

LÉA LAROSA

La Morsure

Écrit et réalisé par Romain de Saint-Blanquat

Avec Léonie Dahan-lamort, Lilith Grasmug, Fred Blin

France, 2024

1967, pendant le Mardi gras. Françoise, pensionnaire d’un lycée catholique, fait un cauchemar où elle se voit brulée vive. Persuadée qu’il ne lui reste qu’une seule nuit avant sa mort, elle fait le mur avec son amie Delphine pour vivre cette nuit comme si c’était la dernière.

En salles le 15 mai 2024.

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