LOUISE VIOLET - Éric Besnard
Mener à la baguette
Après avoir raconté la création du premier restaurant français dans Délicieux, Éric Besnard continue son exploration de l’histoire de l’Hexagone avec Louise Violet, un long-métrage sur la mise en place de l’école laïque et obligatoire. Un film « plein de bons sentiments » (comme dirait votre grand-mère) mais qui peine à sortir des clichés dans lesquels il s’embourbe.
2024 est bel et bien l’année des films sur l’Éducation nationale. Abordée sous l’angle du thriller dans Pas de vagues et La Salle des profs, puis de la comédie légère avec Bis repetita, la voici à présent revêtue des beaux costumes du XIXe pour la fiction historique Louise Violet. Dans ce long-métrage, on suit la fameuse Louise Violet (incarnée par Alexandra Lamy), une institutrice parisienne chargée d’ouvrir une école dans un petit village de campagne français afin de faire respecter les lois Ferry (1882 et 1883) qui rendent l’école primaire gratuite, laïque et surtout obligatoire pour les enfants de 6 à 13 ans. À partir de cet enjeu, le scénario se déroule sans (absolument aucune) surprise : après un accueil très froid de la part des paysans (qui se doivent bien évidemment d’être bourrus et réfractaires à l’idée de laisser leurs enfants suivre les enseignements d’une femme), Louise gagne peu à peu leur confiance et découvre (oh, surprise !) que ces « mauvais bougres » ont finalement un grand cœur.
Cette histoire de découverte et d’insertion dans une petite communauté rurale – qui a fait le sel d’un tas de films comme Le Chocolat – peut être une recette efficace. Sauf que dans Louise Violet, la sauce ne prend pas, pour deux raisons majeures. La première, la vision donnée du monde paysan, en plus d’être nourrie de clichés (avec sa mégère, son alcoolique – il ne manquait plus que l’idiot du village), porte en elle une forme de jugement moral peu à propos, compte tenu du contexte historique. Louise, bien emmitouflée dans son costume d’émissaire de la République, débite ses concepts d’éducation et de liberté, s’indigne face au travail des enfants qu’elle considère comme de « l’esclavage », sans penser à l’impossibilité pour certains parents de faire autrement ou au fait que cela était monnaie courante au XIXe – une vision manichéenne trop peu remise en cause par le scénario. À l’instar de ce que lui reprochent les agriculteurs et les agricultrices, nous avons nous aussi l’impression de voir la petite prof parisienne débarquer pour apporter le phare de la connaissance à des gens qu’elle imagine ignorants.
La deuxième raison qui explique que Louise Violet peine à dépasser le stade de la petite histoire « pleine de bons sentiments » est l’écriture de son personnage principal. Au vu du titre, on pouvait s’attendre à un beau portrait de femme. Eh bien non. Trop écrasée par sa fonction d’institutrice et sa mission, le personnage de Louise se dévoile peu. Même la découverte de son lourd passé, bien pensé mais peu exploité, ne parvient pas à lui donner une véritable épaisseur.
Toutefois – et il faut le souligner – on ne s’endort pas sur notre siège en regardant Louise Violet. Le rythme est maîtrisé, la photographie est soignée (le chef opérateur Laurent Dailland illumine la campagne auvergnate) et les dialogues jouissent de la petite musicalité propre à Éric Besnard. Le tout porté par une Alexandra Lamy énergique et touchante.
ENORA ABRY