MI BESTIA - Camila Beltrán
Gothique sous les tropiques
Le premier film de Camila Beltrán ajoute sobrement sa pièce au féminin monstrueux.
Elle a ses règles – elle ne le voulait pas. Elle sent les regards des adultes changer – elle ne le voulait pas. Contre la puberté, Mila fait de la résistance. L’adolescente à la mine boudeuse, campée par la jeune Stella Martinez, se sent un peu mutante et pour cause, elle est en train de le devenir. La catastrophe est imminente, comme la future éclipse lunaire de 1996. À Bogota, sa ville d’origine, il se murmure que l’événement permettra au diable d’arriver sur terre.
Mi Bestia fait le récit d’une attente interminable et nerveuse, de cette impression propre à la puberté de marcher constamment sur des charbons ardents, la dépression nerveuse jamais loin. Court mais lent en raison de ses 16 images par seconde, il rappelle que sa réalisatrice, Camila Beltrán, a fait des études d’art et non de cinéma. La même réalisatrice qui cite le gothique-tropical comme une de ses principales inspirations, soit la transposition de la mouvance littéraire en Amérique du Sud. On comprend mieux la langueur, les clins d’œil répétés à la religion et cet accent mis sur l’intériorité, fuyant le sensationnalisme d’un certain type de films de monstres.
Mais le gothique est également le genre de l’aliénation féminine par excellence, et c’est bien d’une génération de jeunes filles surcouvées par les patriarches dont Camila Beltrán tire le portrait. Quitte à appuyer lourdement sur ses références, qui créent un effet de comparaison inévitable. Mi Bestia se place clairement dans la lignée des films du « monstrueux féminin », où l’horreur et le fantastique donnent corps à la violence de la puberté des filles. Deux ans après la sortie de Tiger Stripes d’Amanda Nell Eu, Mi Bestia semble incarner son pendant un peu trop sage.
LEON CATTAN