ROMY, FEMME LIBRE- Lucie Cariès
Loin du fantasme
Diffusé dans la section Cannes Classics du 75e Festival de Cannes, le documentaire Romy, femme libre, réalisé par Lucie Cariès sur une idée de Clémentine Deroudille, revient sur la vie et la carrière artistique de Romy Schneider. En adoptant une mise en scène qui met l’accent sur la ténacité et la détermination de l’actrice franco-allemande, les réalisatrices en font un portrait tendre et discret, éloigné des fantasmes et du sulfureux.
En réduisant au maximum les prises de paroles extérieures, la narration est recentrée sur l’actrice elle-même, et non sur le regard que les autres ont porté sur elle. Avec la voix off de Swann Arlaud en narrateur, les réalisatrices tentent de reconstituer le plus fidèlement possible la subjectivité de Romy Schneider ; et l’utilisation des archives d’interviews de l’actrice lui redonnent directement une parole, confisquée par ceux qui l’ont érigée en objet de fantasme. On en retient alors la description pudique et sincère d’une personne d’une grande ténacité, libre dans ses choix et d’une passion dévorante pour le cinéma, qui savait précisément où elle voulait aller dans sa carrière et comment y arriver. A travers un montage qui alterne archives d’interviews et extraits de films, la personnalité de Romy Schneider se retrouve dans les rôles qu’elle a choisi d’interpréter, de l’impétueuse Sissi à la libre Rosalie de Claude Sautet.
On apprécie du documentaire sa discrétion pudique sur les aspects sulfureux de la vie de l’actrice : ses amours, et notamment sa relation avec Alain Delon, ne sont mentionnées qu’en rapport avec l’impact qu’elles ont eu sur son travail. Pas d’épanchement non plus sur la mélancolie : sa relation à l’alcool est brièvement mentionnée au détour d’une phrase, et on fait très peu cas de la mort de son fils, ou même de sa propre mort dont l’interprétation a été controversée. Cette absence de la mort n’est pas anodine, puisqu’elle évite d’alimenter encore le fantasme autour de la mort sensationnelle des actrices à la Marilyn Monroe, où on fige les actrices dans une beauté éthérée macabre, dont le décès tragique répondrait à une vie sulfureuse. Ici, il n’est nullement question de mort ni de névroses, mais uniquement de vie, de travail, et d’une volonté de fer qui rend l’actrice fascinante encore aujourd’hui.
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