SAUVÉE PAR AMOUR - D.J. Caruso

Le réalisateur de L’œil du mal est aux commandes d’une romance pieuse dans le far west

Sauvée par amour (Redeeming Love en VO) est l’adaptation d’un roman de Francine Rivers, autrice spécialisée dans l’écriture de fictions chrétiennes et de romances, également scénariste de l’œuvre. Le ton est donné : le film a comme matériau de départ, une histoire qui prête allégeance à des croyances religieuses. Et cela semble s’être poursuivi pendant toute la production de l’adaptation puisqu’elle est distribuée, en France, par une société spécialisée dans le contenu culturel et multimédia chrétien. On pourrait discuter pendant longtemps du rapport entre la religion chrétienne et les femmes mais on ne le fera pas : premièrement parce qu’on est loin de maîtriser le sujet, deuxièmement parce que ce n'est pas la religion qui nous intéresse ici mais un récit mis en images. Et il n’y a pas besoin d’avoir fait sa communion pour comprendre les thèmes universels de la force de l’amour, du pardon, de la rédemption.

La très belle et jeune Angel se prostitue depuis l’enfance. Le jour où un charmant et jeune fermier des environs tombe follement amour d’elle au premier regard, elle n’est pas très intéressée par sa proposition de mariage. Habituée aux demandes, Angel n’accorde guère de confiance aux hommes (qui ne sont clairement pas très fréquentables dans ce film) et se fiche un peu de ce garçon naïf qu’est Michael. Pourtant, les évènements vont toujours irrémédiablement les ramener l’un vers l’autre. Le danger du sauveur face à la jeune femme en détresse est aussi gros qu’un camion et pourtant : Angel est clairement le moteur du récit, le caractère chrétien de l’histoire nous rappelle sans cesse que ce n’est pas Michael qui la sauve mais l’amour qui se tisse entre eux. Michael est même plutôt insignifiant. On est dans la romance fantasque, dans l’amour des premiers jours chez le fermier qui a eu un coup de foudre et s’est entiché d’une jeune femme à qui il n’a jamais adressé la parole, comme un enfant craque pour une fille inaccessible. C’est un homme définit par sa fonction émotionnelle : il ne vit que pour aimer – en plus d’avoir un honnête portefeuille. Il n’est même pas homme, il n’est que l’amour que sa dulcinée mérite, et c’est ici très symbolique. Au contraire, Angel est un personnage à part entière. Interprétée par Abigail Cowen (Bloom dans la mauvaise série Netflix Winx Club), elle possède un fort magnétisme et une palette de jeu assez convaincante. D’abord agressive et arrogante, Angel s’adoucit au fur et à mesure que sa vie le lui permet. Elle apprend à apprécier l’amour et la confiance de son courtisan sans nier la personne qu’elle est et ce qu’elle a vécu. L’écriture laisse cependant paraître un défaut : Angel, en martyre splendide, plus jolie que le jour, rebelle invaincue, possède des relents complaisant d’héroïne de fan-fiction. Mais cette image absurde de la souffrance digne et tragique parvient à se faire humaine, probablement grâce au jeu de Cowen et quelques bons choix de mise en scène.

De manière générale, on ne peut nier que D.J. Caruso connaît les ficelles de son poste de réalisateur, tout comme la photographie du film est très belle. Mais Sauvée par amour ne semble pas vraiment s’intéresser à ce qui pourrait vraiment raconter son histoire. Le pardon ne devrait pas être une phrase récitée dans une brève scène mais une aventure partagée avec les spectateur.ices, l’amour inconditionnel pour son prochain ne devrait pas être une maxime redondante mais un élan viscéral. Il faut dire, que le parcours d’Angel devient vite répétitif et l’absence d’intérêt du réalisateur pour les thématiques les plus intéressantes se fait cruellement ressentir au bout d’une heure de film. Elle transforme la pieutée et la droiture du personnage masculin en la formation de la meilleure bonne poire de l’Ouest. Si D.J. Caruso sauve Angel du syndrome de l’héroïne de fan-fiction en humanisant sa martyre, il ne fait pas grand-chose pour transcender ses épreuves. Angel souffre, Angel fuit, Michael souffre, Michael attend, Angel revient, Angel souffre… : on a la sensation de voir des chapitres s’aligner sur une histoire interminable, d’autant plus que les nœuds scénaristiques sont généralement résolus à l’aide d’une répétition de coïncidences.

L’aspect religieux est discret dans Sauvée par amour, qui se consacre davantage à son histoire qu’à faire la promotion pour l’Église. Si la réputation de l’autrice du roman et la ligne éditoriale de la société de distribution n’avaient pas été divulguée par une recherche internet, on n’aurait peut-être même pas souligné le concept (seulement la facilité d’écriture provoquée par une prière). Ce n’est pas non plus une œuvre conservatrice de valeurs d’un autre temps, au contraire. Cependant, il est justement dommage que les thèmes chrétiens bien présents n’aient justement pas été exploités, le réalisateur n’étant visiblement pas très intéressé par ces informations. Le film s’affiche comme joli mais peu ambitieux artistiquement, ou du moins ce qu’il y a d’intéressant n’est pas utilisé dans cette production au casting étonnant. C’est assez creux, certainement trop long.

Sauvée par amour, réalisé par D.J. Caruso

Écrit par Francine Rivers

Avec Abigail Cowen, Tom Lewis (V), Famke Janssen…

Titre original : Redeeming Love

USA, 2022

1850, Californie, au cours de la ruée vers l'or. Angel est une enfant qui se voit vendue pour se prostituer. Après des années de violence, de dégoût de soi-même et de mépris, elle rencontre Michael Hosea. L'amour va l'aider à panser ses plaies.

Sortie le 3 janvier 2023 en DVD et VOD.

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