PAR AMOUR – Élise Otzenberger
© Tandem
De sang et d’eau
Pour son deuxième long-métrage en tant que réalisatrice, Élise Otzenberger s’aventure dans le genre du cinéma fantastique et suit une mère dont le fils pense être en communication avec les extraterrestres. Un récit puissant sur la filiation, porté par une Cécile de France bouleversante.
Dès les premiers plans, le cadre est posé. Sur une plage, Sarah (Cécile de France) joue avec ses enfants, mais – grâce à un travail sur le son vrombissant de la mer, la violence du vent – le spectateur sait que quelque chose cloche. L’aîné âgé de neuf ans, Simon (Darius Zarrabian), disparaît subitement. Après une séquence aux mouvements de caméra vifs et angoissants, il est retrouvé, trempé par les vagues, les yeux dans le vide. Il avouera à sa mère que des voix, qu’il croit être celles d’extraterrestres, communiquent avec lui depuis les eaux où ils se cachent.
Grâce à une esthétique empruntée au thriller fantastique (avec ses lumières bleutées et ses plans larges), Élise Otzenberger poétise autant qu’elle analyse le quotidien de cette famille en crise. Leurs problématiques initiales sont en effet bien loin d’être inhabituelles : le couple a déménagé depuis peu de temps, la femme ne connaît personne dans cette ville et les enfants n’ont pas beaucoup plus de repères. L’apport du fantastique ne fait que mettre au jour les sentiments internes des personnages : leur envie de sortir de l’isolement, de s’échapper de leur train-train banal. Plus encore, celui-ci vient mettre en exergue les liens – premièrement détériorés par leur nouvelle situation – qui les unissent, ce qui constitue d’ailleurs l’originalité de Par amour. Au lieu d’accentuer les oppositions (la famille croyant Simon malade), l’apport du fantastique va renforcer les relations, particulièrement entre la mère et son fils aîné. Au fil de l’intrigue, Sarah se met, elle aussi, à entendre des voix.
La mise en scène de ce duo (la mère et l’aîné) surprend par sa singularité. Élise Otzenberger n’use pas des poncifs qui leur sont souvent accolés dans les films de genre. Le jeune garçon n’est pas un incompris tendance psychopathe, et la mère, bien loin d’être dépassée par les évènements, finit par se les approprier et devient le moteur de la fin du récit. Ensemble, ils avancent dans l’inconnu avec une sincérité touchante, et ce que l’on retient au sortir du film (outre un plan final à couper le souffle), c’est la puissance de leurs liens, faits d’amour, de sang et d’eau.
ENORA ABRY
PAR AMOUR
Réalisé Élise Otzenberger
Avec Cécile de France,Darius Zarrabian et Arthur Igual
France, 2024
Sarah et Antoine sont au bord de la rupture, fragilisés par un quotidien surchargé, entre le travail et leurs deux enfants. Un jour, Simon, l’aîné, confie à sa mère entendre des voix. Si Antoine peine à prendre la mesure du problème, Sarah décide de soutenir son fils. Jusqu’où sera-t-elle prête à aller par amour ?
En salles le 15 janvier 2025.