Le top de nos courts-métrages féministes favoris
Tous les mois, la rédaction de Sorociné vous partage ses coups de cœur thématiques. En février, Mariana Agier, Léon Cattan, Victoria Faby, Lisa Durand et Manon Franken analysent leurs courts métrages féministes favoris, en écho avec le Festival de Clermont-Ferrand.
Les Démons de Dorothy (2022)
Par Alexis Langlois, France. 28 minutes. À voir sur UniversCiné.
Dans l’imaginaire de Dorothy (Justine Langlois), les bimbos bikeuses et lesbiennes sont les reines. Dommage que personne ne veuille produire ses films au nom du « manque d’universalisme »… En proie au désespoir, la jeune réalisatrice végète dans sa chambre, une vraie caverne d’Ali-Baba queer. Jusqu’à-ce qu’elle reçoive la visite de sa terrible mère (Lio, rien que ça), et qu’une porte s’ouvre vers un univers fantasmagorique dont elle ne soupçonnait pas l’existence… Vous l’avez compris, Les Démons de Dorothy a tout du rêve de fièvre que l’on ne souhaiterait jamais quitter, avec un supplément petit tacle au cinéma français. Alexis Langlois, réalisateur à suivre ! L.C.
Olla (2019)
Par Ariane Labed, France & Royaume-Uni. 27 minutes. À voir sur Mubi.
Pour son premier passage derrière la caméra, Ariane Labed s'emparait avec un humour grinçant et décalé de l'image ô combien fantasmée des travailleuses du sexe des pays de l'Est. Elle nous raconte l'histoire d'Olla, une ukrainienne qui arrive en France après avoir répondu à une annonce sur un site de rencontres, et qui s'installe chez Pierre, un homme qui vit avec sa mère âgée. Alors que Pierre s'imagine que cette femme répondra à toutes ses attentes affectives et sexuelles, Olla ne laisse pas ce quotidien dompter sa vraie nature. Aux antipodes des archétypes, Olla est une proposition drôle, dérangeante et profondément touchante dans sa peinture d'une femme qui est à peine aperçue avant de disparaitre. M.A.
La bouche en cœur (2022)
Par Manon Tacconi, France. 5 minutes. À voir sur Arte
La Bouche en cœur est une tranche de vie dans la relation de deux amies, lorsque l’une questionne l’autre sur un garçon rencontré la veille. Dans une animation simple et des couleurs criardes, le court-métrage fait naître un univers désillusionné, hyperpop et coloré, dans lequel la jeunesse marseillaise « cagole » libérée fait face aux violences sexuelles. Si la thématique est similaire à How to have sex, long-métrage sorti peu de temps auparavant, c’est parce que les deux œuvres sont les témoignages sensibles de jeunes femmes fêtardes, brisées par une relation non consentie. M.F.
Wasp (2003)
Par Andrea Arnold, Royaume-Uni. 26 minutes. À voir sur Mubi.
Si vous avez bien suivi vos cours d’anglais à l’école, alors vous savez que « Wasp » veut dire « guêpe ». Mais pas seulement. « Wasp » est aussi l’acronyme de « white Anglo-Saxon Protestant », une catégorie sociale aussi admirée que tournée en dérision par le cinéma. C’est aussi tout ce que Zoë (Natalie Press), l’héroïne britannique d’Andrea Arnold, n’est pas. Mère célibataire à fort tempérament, elle arbore un beau palmarès de quatre rejetons en bas-âge… et de grandes difficultés à les élever correctement. Détenteur d’un Oscar du meilleur court métrage en prises de vues réelles, Wasp pose les bases du cinéma d’Andrea Arnold : une appétence pour le cinéma naturaliste, une fibre sociale plus barrée que Ken Loach, et la mise en scène d’une héroïne complexe, qui agace autant qu’elle émeut. L.C.
La Vie sexuelle de mamie (2021)
Par Urška Djukić et Émilie Pigeard, Slovénie et France. 13 minutes. À voir sur Arte
Lauréat du César du meilleur court métrage d’animation en 2023, La vie sexuelle de mamie retrace les contours d’une réalité féminine : l’expérience des violences sexuelles. C’est à travers le regard d’une enfant sur la vie de sa grand-mère que les deux réalisatrices, Urška Djukić et Emilie Pigeard, amènent ce sujet difficile. L’usage ingénieux d’un dessin naïf permet de parler d’un sujet grave avec une certaine douceur, mais aussi de mettre en avant l’absurdité de la banalisation de ces violences. En somme, une manière libre et crue de dire : On vous croit. V.F.
27 (2023)
Flóra Anna Buda, France & Hongrie. 11 minutes. À voir sur Arte
Une Palme d’or du court métrage bien méritée. 27 s’ouvre sur le pastiche d’un film pornographique qui tourne court. Exit le fantasme et son cadre champêtre apaisant et welcome dans la vie d’Alice, une jeune femme de 27 ans qui vit toujours chez ses parents. Oppressée par une ville toujours plus crasseuse et polluée, elle s’évade dans un paradis artificiel le temps d’une nuit qui n’est pas sans rappeler la bande dessinée Les rigoles de Brecht Evens (Actes Sud, 2021). En l’espace de onze minutes, 27 rappelle comment un contexte politique difficile peut brider la sexualité de ceux qui en sont victimes. L.C.
La Voix des autres (2023)
Fatima Kaci, France. 30 minutes. À voir sur Arte
Rim, interprète tunisienne, reçoit chaque jour les témoignages de femmes et d'hommes exilés et demandeurs d'asile en France. Leurs histoires se mêlent à la sienne et la questionnent sur son propre passé douloureux. Fatima Kaci analyse avec finesse et sobriété les rouages kafkaïens de l'administration française. La mise en scène est d'une maîtrise implacable. Le choix minutieux des cadrages et la rigueur du travail sonore créent un film âpre, mais d'une immersion totale. L'interprétation tout en nuances de Rim à d'ailleurs valu à sa comédienne Amira Chebli le prix d'interprétation au Festival de Clermont-Ferrand 2024. L.D.