A CHIARA - Jonas Carpignano

Grandir en Calabre

Nous sommes dans le sud de l’Italie face à une famille modeste mais heureuse, ordinaire, unie, avec des enfants complices, attachées à leur père, un homme doux et discret. La sœur de Chiara fête ses 18 ans dans une scène presque documentaire. On ne tergiversera pas : cette scène clef, située relativement au début, présente déjà à la fois la principale qualité et le problème majeur du film, les deux subsisteront jusqu’à la fin. A Chiara refuse de tomber dans les poncifs, c’est un film sur la mafia sans armes, sans violences directes,, un film sur une famille tranquille, et pourtant. C’est l’histoire d’une adolescente qui comprend que son père n’est pas le héros qu’elle imaginait et que la société qui l’entoure est probablement bien plus cruelle que ce qu’elle pensait jusque-là. C’est aussi le parcours d’une enfant – parce que c’est encore une enfant – qui découvre une famille d’accueil, dans un drame intérieur qu’elle n’exprime que peu. Il faut dire que l’omerta causée par la mafia plane sur les personnages, qui se taisent, évitent le sujet, attribuant au film un rejet du complaisant.

Et en même temps, le principal défaut apparaît effectivement déjà dès la scène de l’anniversaire. Présenter Chiara, l’héroïne, comme secondaire dans la fratrie en filmant la fête d’anniversaire de sa grande sœur était une idée judicieuse. C’est une façon scénaristiquement excellente d’introduire l’héroïne directement au sein de sa famille, de l’incorporer dans un tout, faisant écho face aux “liens du sang et loi du clan”, en plaçant le doux clan familial en parallèle avec les obligations criminelles du clan composé par la mafia. Mais les limites de ce procédé s’affichent vite par la durée de la fête et une mise en scène finalement trop neutre puisqu’à force d’esquisser des portraits de tous les invités en gros plan, le film peine à identifier le personnage principal. Cette distance va persister, Chiara ne dépassant jamais la figure stoïque, là où le récit aurait probablement demandé une approche plus sensible. L’adolescence est un âge ingrat, difficile, même pour la plus sage des enfants. Pourtant, les troubles de cette période mêlée au conflit et à l’amour du père ne figurent que très peu, si ce n’est pas à l’image, et ne sont pas rattrapés par le texte ou les évènements. La psychologie des personnages n’est que peu voire pas creusée et si le père reste très bien abordé, le reste de la famille, à commencer par Chiara, ne dispose pas d’un vrai mécanisme ou d’émotions troubles suffisamment variées (bien que les interprétations soient clairement qualitatives).

A Chiara peine finalement à trouver son équilibre entre la représentation presque documentaire d’une omerta, le cadre familial et le parcours personnel de son héroïne. L’excellent sujet des enfants issus de famille impliquée dans la criminalité, condamnés par les actes de leurs parents, associé à la terrible chute d’un patriarche qui n’a rien pourtant, au premier abord, rien de malveillant, est handicapé par la distance tenue avec le personnage principal. Ce manque d’intimité aurait pu être louable s’il ne laissait pas un gros vide dont ni la mise en scène ni le montage semblent se soucier, jusqu’à laisser une œuvre en demi-teinte, à l’approche trop diluée.


Réalisé par Jonas Carpignano

Chiara, 16 ans, vit dans une petite ville de Calabre, entourée de toute sa famille. Pour les 18 ans de sa soeur, une grande fête est organisée et tout le clan se réunit. Le lendemain, Claudio, son père, part sans laisser de traces. Elle décide alors de mener l’enquête pour le retrouver. Mais plus elle s’approche de la vérité qui entoure le mystère de cette disparition, plus son propre destin se dessine.

Sortie en salles le 13 avril 2022.

Sortie en DVD le 6 septembre 2022.

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