À Clermont-Ferrand, la colère féminine à l’honneur
Ouverte le 2 février, l’édition 2024 du festival de court-métrages explore la thématique féministe à travers sa programmation spéciale “Insoumises”, qui infuse également dans les programmes de la compétition.
En explorant les enjeux des violences sexuelles et de la rébellion, la sélection Insoumises faisait la part belle à la colère féminine : une rage explosive, qui s’évertue à inverser la domination et à se réapproprier la violence. Avec son court-métrage documentaire Me vas a gritar ? (“Tu vas me hurler dessus ?”), la réalisatrice mexicaine Laura Herrero Garvin suit les entraînements acharnés de Melissa, une adolescente adepte de catch, qui subit au quotidien le machisme de son environnement scolaire et les féminicides mentionnés en faits divers.
Avec le lyrisme que la réalisatrice empoigne pour filmer les combats de catch et leur violence exutoire, Me vas a gritar ? résonne avec Sestre (“Soeurs”), le court-métrage de la réalisatrice slovène Katarina Resek. Trois amies, cheveux courts et vêtements amples, tentent de retourner la violence masculine en se battant régulièrement avec les hommes de leur quartier. La caméra, nerveuse et électrique, ausculte au plus près des corps cette meute, leurs muscles, leurs blessures.
A propos de retournement de la violence, on ne saurait passer sous silence le court-métrage d’Ovidie et Corentin Coëplet, Un jour bien ordinaire, qui suit un étudiant, Romain (incarné par Pablo Cobo, aperçu précédemment dans Tropic d’Edouard Salier qui auscultait déjà les parangons de la virilité). Romain fait son premier jour sur le tournage d’un film porno, entouré de femmes méprisantes et dominatrices : par le retournement des genres, Ovidie et Corentin Coëplet usent de la comédie grinçante pour aborder le sexisme ordinaire dans une industrie taboue. Un concept décliné depuis en série avec Des gens bien ordinaires.
La transidentité féminine est également représentée à l’écran, par le biais – rare – de la comédie romantique dans Queen Size d’Avril Besson, où Marina (interprétée par la mannequin transgenre Raya Martigny) doit vendre un matelas à Charlie (India Hair) avant de rentrer à contrecoeur à La Réunion : on y parle, sans en parler, de regards sur la transidentité, de bisexualité, et de remise en question de plans de vie préconçus.
Sur un ton plus dramatique, God’s Daughter Dances (“La Fille de Dieu Danse”), du réalisateur coréen Sungbin Byun, suit Shin-mi, une danseuse transgenre, appelée à passer l’examen médical préalable au service militaire, obligatoire pour les hommes coréens. Dans le cadre de cet examen médical, les personnes transgenres doivent effectuer une reconnaissance médicale de leur transition, un processus dont le réalisateur a souhaité retranscrire les humiliations.
Mention spéciale, pour finir, au court-métrage Lange Nicht Gesehen (“Ça faisait longtemps”) du réalisateur allemand Kevin Biele, qui raconte le retour de Silvia à son travail après un long arrêt maladie. Le temps de son absence, elle réalise que beaucoup de choses ont changé : le service informatique a été externalisé dans un pays anglophone, la société a été revendue, le bureaucratique renforcé jusqu’à l’absurde. Autant de changements qui mettent Silvia hors-jeu dans une course constante à la modernisation.
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