ÀMA GLORIA - Marie Amachoukeli
L’amour vu par une enfant
Film d’ouverture de la Semaine de la critique 2023, Ama Gloria de Marie Amachoukeli tisse tout en douceur le portrait d’une petite fille et de sa nounou.
Ces dernières années, la figure de la nourrice noire a cristallisé les dynamiques raciales dans la fiction. Dans Nanny de Nikyatu Jusu, le bras de fer d’une gouvernante sénégalaise avec ses riches patrons new-yorkais prenait carrément une tournure horrifique, symptomatique du racisme de la société américaine. Mais il arrive parfois que l’on délaisse les adultes, et que la caméra s’abaisse vers les petits yeux débordant d’amour d’une enfant pour sa nourrice. Marie Amachoukeli a su capter ce regard avec sensibilité et poésie dans Àma Gloria.
Pleurer la joie comme les peines
La réalisatrice, qui inaugure une seconde fois la sélection de la Semaine de la critique, met en scène la relation fusionnelle de Cléo, six ans, et de Gloria, sa nounou capverdienne. La suite est inattendue : alors que Gloria doit rentrer d’urgence dans son pays natal pour retrouver ses enfants, Cléo, qui souffre de cette séparation, va partir la rejoindre. Elle découvre à son tour le monde de Gloria, restaurant une forme de réciprocité entre elles deux. Sur les rives bleues du Cap-Vert, la petite fille découvre que la figure tutélaire de sa jeunesse est une femme, une mère, et, comme elle, la fille d’une disparue. Aux mots qu’elle n’a pas encore se substituent des séquences animées, traduction efficace et douce du langage de l’enfance frappée du deuil littéral comme symbolique.
Il y a du chagrin dans la tendresse démesurée d’Àma Gloria, et ce va-et-vient perpétuel évoque certaines paroles de Bell Hooks, fine théoricienne de l’amour et du déclin de chaque chose. “Aimer, c’est s’ouvrir au deuil, à la caresse de la tristesse, même inépuisable.” Et inépuisable est le talent du duo formé par Louise Mauroy-Panzani et Ilça Moreno Zego pour nous faire vivre tous ces mouvements en seulement 1 h 30.