ANNIE COLÈRE - Blandine Lenoir

Blandine Lenoir rend ses lettres de noblesse au MLAC dans un film lumineux et tendre.

Si la lutte pour l’avortement avait un visage, il aurait les traits de Simone Veil, en France, dans l’imagination collective. En vérité, le visage n’est pas unique car la lutte n’a jamais été l’affaire d’une seule femme, mais de milliers. C’est ce mouvement de masse, porté par plusieurs corps et cœurs, que filme Blandine Lenoir dans son troisième long métrage. Annie Colère s’intéresse à une branche provinciale du MLAC (Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception) et nous offre une ode à la sororité et à la tendresse militante. 

Histoire du MLAC

En 1974, la question de l’avortement est au coeur du débat médiatique. Le MLAC revendique un avortement libre pour toutes les femmes, certes illégal, mais non clandestin. Il est question de santé, de droit et de désobéissance civile. Le mouvement prend de l’ampleur tandis que les femmes se réapproprient leur corps. Avec la méthode Karman (une méthode consistant à aspirer le contenu de l’utérus à l’aide d’une canule), l’avortement devient indolore et sort du système médical. La méthode est si simple que n’importe qui peut l’apprendre et transmettre le savoir. D’une question politique et sanitaire, le MLAC y répond avec l’intime et l’artisanal.  Quand Blandine Lenoir découvre les dessous du mouvement, elle s’aperçoit qu’il a complètement disparu de l’Histoire. Nous retenons Simone Veil. Nous retenons les manifestations. Mais le combat s’est aussi immiscé dans la sphère privée. C’est à l’intérieur des maisons que se pratiquaient les avortements. Les premières images de cet acte avaient été filmées par Carole Roussopoulos dans son court métrage Y’a qu’à pas baiser (1973), dont on peut voir des extraits au sein du documentaire Delphine et Carole, insoumuses (2021). Annie Colère reprend le flambeau et nous montre pas moins de six avortements, en mettant l’accent sur le soutien et sur le partage. 

Devoir de mémoire

On suit le parcours d’Annie (Laure Calamy), ouvrière, mère de deux enfants et de nouveau enceinte. En accord avec son mari, elle veut mettre un terme à cette troisième grossesse et se rapproche du MLAC le plus proche. Au travers de son histoire, nous découvrons, tout comme le personnage, un monde de tendresse face à la détresse de femmes, tout horizon confondu. Qu’elles soient bourgeoises, précaires, déjà mères, ou non, elles sont accueillies avec bienveillance et respect. Nous ressentons, presque viscéralement, la volonté de la réalisatrice de capter l’altruisme du mouvement. La mise en scène transmet, par le biais d’une image calfeutrée et intime, la puissance du collectif. 

La fiction dialogue avec l’Histoire dans Annie Colère. Si on peut reprocher au scénario (écrit par Blandine Lenoir et Axelle Ropert) d’être linéaire – car il suit l’évolution émancipatrice d’Annie – on ne peut qu’approuver l’approche pédagogique du mouvement. Le film s’apparente à un devoir de mémoire essentiel, afin de célébrer les femmes qui ont combattu le système avec leurs armes et leurs convictions, mais également afin de mettre en image une pratique et un savoir utiles (l’actualité nous le dit sans cesse, le droit à l’avortement n’est jamais définitif). 

Annie Colère

Réalisé par Blandine Lenoir

Écrit par Blandine Lenoir et Axelle Ropert

Avec Laure Camaly, Zita Hanrot, India Hair…

France, 2022

Février 1974. Parce qu’elle se retrouve enceinte accidentellement, Annie, ouvrière et mère de deux enfants, rencontre le MLAC – Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception qui pratique les avortements illégaux aux yeux de tous. Accueillie par ce mouvement unique, fondé sur l’aide concrète aux femmes et le partage des savoirs, elle va trouver dans la bataille pour l’adoption de la loi sur l'avortement un nouveau sens à sa vie.

En salles le 30 novembre 2022.



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