ALI & AVA - Clio Barnard

L’Amour, toujours

Dans son nouveau long métrage présenté cette année à la Quinzaine des Réalisateurs, la réalisatrice Clio Barnard rassemble deux genres cinématographiques so british : le drame social réaliste et la bluette romantique. Après Dark Riveren 2018, film dramatique où nous suivions Ruth Wilson de retour dans sa ferme natale, Ali & Ava fait office de petit film, une histoire d’amour décousue et compliquée entre deux personnes que tout oppose. Elle a plus de cinquante ans, aime la country et le folk, et est déjà cinq fois grand-mère. Lui se sépare secrètement de sa femme, aime le rap et la techno et vit à deux cent à l’heure. Entre racisme et culpabilité, nos Roméo et Juliette prolétaires auront de quoi faire fondre le cœur des spectateur⋅trices.

Dualité

La dualité est au cœur du film. Film social anglais, mais en même temps comédie romantique. Famille aisée contre famille précaire. Humour versus sérieux. Techno versus folk. Entre tout cela se niche l’amour naissant d’Ali et Ava, deux êtres en perdition. 

Ali (Adeel Akhar) est un homme comblé, en apparence. Il est avec une femme absorbée par ses études, une famille présente et aimante. Propriétaire de différents biens immobiliers, Ali est bienveillant envers ses locataires. Bien vite, l’image parfaite se craquèle autour de lui. Sa femme le bat à froid, le couple est séparé mais doit cacher l’échec de leur mariage à sa demande, par déni, par sentiment ou par peur de décevoir. À travers son sourire, ses blagues, son énergie, il a une façon toute personnelle de ne pas sombrer. Ava (Claire Rushbrook) vit avec son fils, sa compagne et leur fille. Assistante scolaire, cette veuve éreintée par la vie déploie pourtant de la bienveillance et de la douceur autour d’elle. Elle est le cœur de sa petite famille, reconstruite après un passé douloureux. Leur rencontre est naturelle, leur entente tout d’abord cordiale. Rien ne les prédestinait à développer des sentiments. 

Cacophonie amoureuse

C’est par la musique que Clio Barnard va les lier. Le montage se forme par des contrepoints, par la différence marquante de rythme. Il est parfois difficile de se laisser emporter par le récit à cause de ces coupures de ton et de ces soubresauts. C’est tout le charme d’Ali & Ava, une cacophonie amoureuse dans la grisaille de Bradford. La photographie d’Ole Bratt Birkeland décide d’embrasser totalement la luminosité grisonnante du Yorkshire. La douceur nous vient directement de la mise en scène et de sa façon de cadrer la tendresse naissante. La cinéaste parsème son film de gros plans, des regards intenses, des mains qui se touchent pudiquement. Ce n’est pas la passion qui l’intéresse car il n’y a ni intensité sexuelle, ni passion sensuelle. Ce sont deux corps fatigués, deux âmes en suspens, deux mondes en opposition qui trouvent le calme dans leur union. 

Il ne se cache aucune revendication dans le sous-texte social de leur couple. Parce qu’Ali est d’origine indienne, la famille d’Ava devait avoir des préjugés racistes sur lui. Parce qu'Ava vient d’une famille irlandaise prolétaire, vivant dans le quartier le plus dangereux de la ville, elle devait avoir un ex-mari violent. Les péripéties entourant la romance sont archétypales et servent la narration uniquement, comme des obstacles creusant d’autant plus leurs différences. Pourtant, si nous laissons ces quelques facilités de côté, comme il est bon de se plonger dans la simplicité de cette romance anglaise ! La bulle est grise, froide, pudique mais réchauffe nos cœurs tel un shot de whisky pur. Clio Barnard déplace les codes de la rom-com classique, montre qu’il est possible de voir d’autres âges, d’autres corps, d’autres classes sociales. 

ALI & AVA a été découvert lors de la reprise de la Quinzaine des Réalisateurs au Forum des Images.


Réalisé par Clio Barnard

Avec Adeel Akhtar, Claire Rushbrook, Shaun Thomas

Pour des raisons différentes, Ali et Ava se sentent chacun seuls. Ils vont se rencontrer grâce à leur affection commune pour la fille des locataires slovaques d’Ali, Sofia (6 ans), dont Ava est l’assistante scolaire. La chaleur et la gentillesse d’Ava réconfortent Ali tandis qu’elle apprécie son humour et sa complexité. D’une nouvelle lune à l’autre naît un lien profond, puis une passion qui les enflamme. Mais les séquelles de la précédente relation d’Ava et le désarroi émotionnel d’Ali assombrissent ce nouvel amour.

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