DEBOUT LES FEMMES - Gilles Perret et François Ruffin
À la rencontre des femmes
Député de la France Insoumise depuis 2017, François Ruffin décroche une mission parlementaire en 2019 sur les métiers du lien. Cet ancien journaliste retrouve son co-réalisateur Gilles Perret, après J’veux du soleil, dans ce nouveau documentaire, Debout les femmes ! autour de cette mission. Accompagné de Bruno Bonnell, député En Marche, François Ruffin part à la rencontre de ces travailleuses, afin d’obtenir leur témoignage et proposer des lois en conséquence.
Une mission parlementaire
Après vingt-deux mois de luttes, les femmes de chambre de l’hôtel Ibis des Batignolles signent un accord avec leur employeur pour améliorer leurs conditions de travail. Il a fallu plus d’un an d’une grève éprouvante pour que leurs réclamations soient entendues et prises en compte : un meilleur salaire, une cadence moins élevée et des heures supplémentaires et d’habillages enfin prises en charge. Si cette victoire est retentissante et donne de l’espoir, c’est parce qu’elles ne sont pas les seules à lutter contre des conditions de travail médiocres et une situation précaire. Dans le domaine du service à la personne, nombreuses sont les femmes avec un salaire en dessous du seuil de pauvreté et de grandes amplitudes horaires. Ce sont les entreprises qui profitent de cette dévalorisation. Parfois sans formation adéquates, ni accompagnements, ces auxiliaires de vie, assistante maternelle, animatrice périscolaire ou femme de ménage, triment.
Debout les femmes, point d’exclamation, ressemble à s’y méprendre à un ordre. Pourquoi devrait-on écouter deux députés et lutter sous leur regard ? Surtout que le documentaire commence par le co-réalisateur de ce film, François Ruffin et forcément, le récit se forme autour de ses envies de bouger les choses, de son épiphanie concernant les femmes travaillant dans les métiers du lien. Du propre aveu de Gilles Perret, qui rêvait depuis longtemps de filmer son compère en action à l’Assemblée, cette mission était du pain béni pour réaliser un documentaire dynamique, un « road-movie parlementaire », phrase placardée au sein même du synopsis. Caméra au poing, le cinéaste suit le député, très heureux de sortir de son bureau, de parcourir la France et de retrouver sa Picardie natale, en allant interroger des auxiliaires de vie à Amiens. Le documentaire a tout l’air du film complaisant en premier lieu. De la petite guéguerre avec Bruno Bonnell aux difficultés de Ruffin dans son rôle politique, cette première partie n’enchante guère. Heureusement, dès que la cadre s’intéresse aux femmes du titre, le film bascule et délivre son propos intéressant.
Des témoignages poignants
Même si François Ruffin se montre tenace face à la caméra, apparaissant dans chaque plan, il finit par s’effacer devant les témoignages essentiels et poignants des femmes qu’il rencontre. Des auxiliaires de vie au bout du rouleau qui ne tiennent que par passion de leur métier et nécessité de payer les factures. Des auxiliaires de vie scolaire qui doivent s’occuper d’enfants en situation de handicap sans formation, avec un salaire de misère. Ces femmes ont d’ailleurs été briefé par l’Éducation Nationale avant leur entretien avec le député, pour éviter tout scandale. Même chose du côté du service d’entretien à l’Assemblée, où François Ruffin essaie de converser avec les employées. Elles ont peur de perdre leur travail si elles lui parlent et refusent d’être filmées. Leur détresse frappe ces images comme un coup de poing. Beaucoup sont dans des situations précaires, doivent faire des concessions sur leur temps familial, quand d’autres abandonnent l’idée de couple ou de famille, par manque de temps. Certaines doivent gérer des enfants, seules, avec leur maigre salaire. Pourtant, elles font un métier essentiel et les réalisateurs font le choix de montrer leur geste quotidien. Suivant quelques unes des auxiliaires de vie au travers de leur parcours, la caméra capte l’essence du soin à la personne. Elles s’occupent de personnes âgées pour la plupart, diminuées par une maladie, parfois esseulées. Debout les femmes ! est filmé en partie pendant le premier confinement, débuté en mars 2020, ce qui permet de mettre en lumière un double enjeu : montrer la gestion de la crise du point de vue des personnes qui ont subi la pandémie de plein fouet (mis en parallèle avec les paroles emphatiques mais vides du Président) et revaloriser ces emplois.
Ce qui marque durablement le documentaire, c’est cette utopie filmée en fin de film, où toutes les femmes concernées par les métiers du lien envahissent la salle de l’Assemblée Nationale et s’unissent d’une même voix pour demander à être vues et entendues. Une scène vibrante d’unité, appelant à la lutte. Le titre, Debout les femmes !, conclusion d’une intervention marquante d’une employée noire au service d’entretien de l’Assemblée, prend alors tout son sens. Malgré le côté obséquieux des députés, force est de constater qu’il n’y a rien de plus fort et de plus pertinent quand les concerné⋅es sont pris⋅es en compte et mis‧es en avant dans les actions ou les choix politiques.
Réalisé par Gilles Perret et François Ruffin
" Mais qui m’a mis cette tête de con ? " Ce n'est pas le grand amour entre le député En Marche ! Bruno Bonnell et l’insoumis François Ruffin. Et pourtant... C'est parti pour le premier "road-movie parlementaire" à la rencontre des femmes qui s’occupent de nos enfants, nos malades, nos personnes âgées. Ensemble, avec ces invisibles du soin et du lien, ils vont traverser confinement et couvre-feu, partager rires et larmes, colère et espoir. Ensemble, ils vont se bagarrer, des plateaux télés à la tribune de l’Hémicycle, pour que ces travailleuses soient enfin reconnues, dans leur statut, dans leurs revenus. Et s’il le faut, ils réinventeront l’Assemblée…
En salle le 13 octobre 2021