DELIA DERBYSHIRE : THE MYTHS AND LEGENDARY TAPES - Étrange Festival

Si le nom de Delia Derbyshire est encore méconnu, c’est bien normal. Pionnière de la musique électronique dans les années 60, elle est aussi la compositrice de l’emblématique générique de Doctor Who en 1963 duquel elle ne sera créditée qu'en 2013. De son œuvre géniale, on ne retient pourtant que sa tragique fin de vie et ses déboires avec l’alcoolisme, qui achèvent d’enterrer le mythe. C’est seulement une décennie après son décès en 2001 que son œuvre est réévaluée, à la suite de la découverte de 267 enregistrements de la compositrice, qui comprennent autant d’interviews que ses travaux à la BBC. 

Plus que la figure passionnante de Delia Derbyshire, c’est la création d’un mythe qui intéresse Caroline Catz. D’abord court-métrage en 2018, la réalisatrice-actrice passe au long-métrage avec Delia Derbyshire : The Myth and Legendary Tapes et propose un documentaire expérimental à l’image de son sujet. Croisant les images d’archives, interviews et scènes fictives (Caroline Catz interprète Delia Derbyshire), le film fait le portrait attachant d’une artiste hors-norme et dialogue entre passé et présent. 

Delia Derbyshire : The Myth and Legendary Tapes s’affranchit de toute considérations chronologiques et raconte la compositrice à travers ses sons. Née à Coventry et issue de la working class, Delia Derbyshire possède une formation en mathématiques et poursuit une ambition qui l'accompagne toute sa vie : trouver des sons inconnus. Après avoir postulé chez Decca Records qui n’emploie pas de femmes, elle intègre la BBC Radiophonic Workshop qui lui ouvre le chemin aux expérimentations, mais pour lequel elle restera anonyme. Caroline Catz offre le récit de toute une vie, centrée sur des compositions musicales et novatrices. 

Si le choix d’interpréter Delia Derbyshire a de quoi surprendre, il se corrèle pourtant avec le projet de sa réalisatrice. Plus qu’un portrait, Caroline Catz donne les pleins pouvoirs à sa Delia fictive pour accomplir son propre récit. De ce fait, elle replace Delia, la vraie cette fois, au cœur de (son) l’Histoire. Et l’acte final est plus symbolique que jamais : sur la Derbyshire Way, à Conventry, la compositrice Cosey Fanni Tutti ajoute le prénom Delia. Une manière poétique de sortir de l’anonymat une compositrice de génie, qui a souffert toute sa vie du manque de reconnaissance. 

Et c’est sans doute ce qui rend Delia Derbyshire : The Myth and Legendary Tapes aussi émouvant. Caroline Catz entreprend un dialogue entre passé et présent, fiction et réalité, et évoque la nécessité d’un matrimoine. Dans une étrange scène dans une église, les divinités ont pris le nom de Mary Wollstonecraft, Ada Lovelace ou encore Virginia Woolf : autant de femmes qui ont marqué l’Histoire et desquelles Delia Derbyshire se tient en digne héritière. 

Elle devient alors à son tour une source d’inspiration pour les générations futures. Cosey Fanni Tutti signe la bande originale du documentaire qu’elle compose à partir des enregistrements retrouvés de Delia Derbyshire, et se pose elle aussi, en exploratrice sonore. Plus qu’un hommage, Delia Derbyshire : The Myth and Legendary Tapes offre à Delia Derbyshire un documentaire à la hauteur de ses ambitions expérimentales et lui donne fictivement le plein pouvoir de son récit. 


Réalisé par Caroline Catz

Un portrait et une réflexion sur l'héritage de la pionnière du son électronique Delia Derbyshire, qui a réalisé le générique de Doctor Who en 1963, et qui explore l'idée que cette compositrice extraordinaire a vécu en dehors du temps et de l'espace tels que les autres les vivent.

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