JUNGLE - Louise Mootz

L’amour réinventé

Depuis près d’un an, l’amour est partout, sur les étalages de nos librairies jusqu’aux podcasts dans nos oreilles. Réinvesti par le prisme féministe, il s’intègre à une réflexion sur la réappropriation des corps et sur les liens entre nos rapports intimes et nos constructions sociales. La jeune réalisatrice parisienne Louise Mootz s’empare de ce sujet en filmant de près son groupe d’amies dans un documentaire de 52 minutes, en lice pour le César du meilleur court-métrage documentaire. Electrique et spontané, il peint sur le vif un portrait tendre-amer d’un groupe de jeunes femmes dans la vingtaine, habitant dans les quartiers nord de Paris, qui abordent frontalement leur sexualité et leurs relations amoureuses pour les revendiquer ou les remettre en question.

« L’amour c’est un pull en synthétique à col roulé ; ça t’étouffe, ça te gratte, mais ça tient chaud ! » Il y a un ressenti à la fois doux et un peu triste qui se dégage du visionnage de Jungle, où les héroïnes nous entraînent au gré de leurs errances et de leurs anecdotes intimes, en laissant une large place au doute dans leur vision de la sexualité. Ce rapport cru et explicite au sexe, qu’on peut soupçonner d’être un peu mis en scène comme dans tout documentaire, est revendiqué à juste titre pour sa peinture sans tabou ni mise à distance d’une sexualité décomplexée, franche et libre ; mais il camoufle aussi une fragilité ou des doutes, sur la nature de sa sexualité, sur l’idéal du couple, sur l’intimité des corps. Dévoilés face caméra, ces fragments de vie apportent un regard honnête, sans fard ni drame, sur la sexualité à l’ère du numérique et des applications ; et ils ont le mérite d’apporter un contre-discours coloré à la quantité d’œuvres qui y jettent un regard moralisateur rapidement expédié.

Conjurer la violence

En toile de fond de ces portraits, l’environnement social et familial est suggéré, mais il n’est jamais mis en scène ni montré avec misérabilisme ; la réalisatrice montre davantage comment ses héroïnes s’émancipent de leur milieu et cherchent à s’en démarquer, pour se construire une identité qui leur est propre, à un âge où tout est encore à créer. Ces portraits de jeunes femmes sont peints avec une tendresse parfois troublante, tant elle entre en opposition avec une violence évoquée en arrière-plan, qui peut se révéler très crue, mais qui est toujours conjurée par le rire ou la solidarité.

La jungle dont nous parle Louise Mootz est présente à plusieurs strates : c’est d’abord le chaos de l’entrée dans l’âge adulte, dans lequel il faut construire sa vie nouvelle, et qui se reflète par la réalisation et le montage, qui collent au plus près à ce bouillonnement désordonné et coloré de la vingtaine. Mais cette jungle est aussi celle représentative d’une certaine violence, sexuelle ou sociale, visible ou invisible, au sein de laquelle les héroïnes évoluent à coups de hache, de rires, ou de perruques bleu électrique.


Réalisé par Louise Mootz

Avec Dünya, Lila, Héloïse ...

JUNGLE est le portrait cru, cash et intime d’une bande d’amies de 23 ans qui naviguent dans les quartiers Nord de Paris. Des femmes artistes, libres, fluides, urbaines qui parlent librement de sexualité et d'amour.

Des parisiennes loin des stéréotypes, qui entre engueulades et débrouille, nous offrent un instantané d’une jeunesse à l'énergie dévorante. Ce premier film de Louise Mootz sélectionné à l'IDFA a reçu le Prix du Meilleur documentaire au Festival Visions du Réel 2020. Il est en sélection officielle pour le Meilleur film de court métrage documentaire aux César 2022.

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