LA ROUE DE LA VIE - Sahar Salahshoor

Sur la route

Pendant le mois du documentaire, qui se passe chaque année depuis 2000 en novembre, Images en bibliothèque propose un cycle sur les femmes d’Iran, devant et derrière la caméra. Sont mises à l’honneur autant les femmes du pays, dans les sphères familiales ou publiques, ainsi que les cinéastes qui les filment. En partenariat avec le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir — un centre d’archive sur les travaux des femmes, leurs luttes et depuis 2003, un lieu d’éducation à l’image — ce cycle est organisé par Mathieu Lericq, docteur en études cinématographiques et Sahar Salahshoor, cinéaste et documentariste iranienne. Un de ses courts métrages est notamment présenté dans cette programmation. 

La roue de la vie, tourné en 2009, met en lumière une chauffeuse de taxi à Téhéran. Nasrin est une femme divorcée, mère d’un adolescent. Avec sa petite voiture blanche, elle parcourt la ville de fond en comble, accompagne des élèves jusqu’à leur école, des couples ou des hommes seuls, malgré les préjugés sur les femmes conductrices. 

La voiture, lieu de liberté

Nasrin est une femme énergique, qui n’a pas de temps à perdre. La réalisatrice capte cette énergie comme elle le peut et essaye de la suivre à l’intérieur de sa maison, en pleine ébullition le matin. Elle presse son fils à manger, à se préparer. À 7h30, elle a sa première cliente, une écolière qui ne peut pas se permettre d’être en retard. Le seul moment où Nasrin paraît moins sur le vif est quand elle est derrière le volant. Dès le moment où le contact est mis, elle jouit d’une liberté qui la sort des carcans de son genre. Une conductrice avant d’être une femme, qui a à cœur de faire son travail à la perfection.

Pour canaliser la merveilleuse vigueur de Nasrin, la mise en scène opte pour la voix-off, qui accompagne les images de voiture. Pendant ces moments-là, la conductrice pose sa voix et se livre sans détour. Elle nous raconte son mariage désastreux et son choix de divorcer, la difficulté d’être une femme célibataire en Iran, d’être une mère célibataire et une femme qui travaille. Dans l’habitacle, la chauffeuse de taxi peut être naturelle. Elle chante, rit à gorge déployée, parle beaucoup à ses client⋅es. Tout ce qui ne faut pas faire, d’après une employée d’une firme pour laquelle Nasrin postule afin d’obtenir une sécurité financière. Même si la jeune femme ne paraît pas se formaliser de ces petits commentaires sur sa condition, son quotidien se forme sur la contrainte de ne pas prendre trop de place, dans sa propre voiture et sur la route. Son propre fils n’accepte pas qu’elle sorte tard le soir, avec une amie, seul moment de partage sororale qui lui permet de souffler.

Se formant dans un mouvement perpétuel, en communion avec le métier de Nasrin et sa personnalité, La roue de la vie offre un regard bienveillant sur ces femmes qui, avec leur propre moyen, s’en sortent dignement. Sahar Salahshoor transforme la voiture en lieu de liberté et de prise de parole, détournant ainsi l’interdiction de filmer dans la rue, bien avant Jafar Panahi avec Taxi Téhéran.


Cycle "Femmes d'Iran"

Réalisé par Sahar Salahshoor

Le film dresse le portrait de Nasrin, chauffeuse de taxi à Téhéran. Le regard acéré et lucide de la cinéaste révèle la lutte quotidienne de cette travailleuse acharnée, mère divorcée élevant seule son fils.

2009

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