SOUS LE CIEL D'ALICE - Chloé Mazlo

Paradis perdu 

En 2015, Chloé Mazlo reçoit le César du meilleur court métrage d’animation pour son film Les Petits Cailloux, qui témoigne de l’inventivité visuelle de la cinéaste. Passée par les Arts Décoratifs à Strasbourg, Chloé Mazlo insuffle dans ses œuvres une fibre plastique, à travers une étonnante hybridation entre le stop-motion, l’animation et la prise de vue réelle. Sous le ciel d’Alice marque son premier passage au long-métrage, sélectionné en 2020 par la Semaine de la Critique

Liban, 1950. Le soleil irradie les rues d’une lumière joyeuse, et tout semble propice à la fête, aux rencontres et à l’amour. Sous le ciel d’Alice représente un Liban méconnu où l'on rêve de conquête spatiale, bien avant les ravages de la guerre civile au début des années 70, qui transformera profondément le pays tout entier. Chloé Mazlo refuse toute reconstitution historique. Inspirée par les récits de ses grands-parents, la cinéaste transfigure le souvenir du pays à l’écran à travers la métaphore visuelle, dans laquelle elle s’autorise quelques incursions d’animation

On pense à Boris Vian et à Jodorowsky dans sa manière de répondre à la violence du monde par l’absurde. Mais chez Chloé Mazlo, le geste est plus doux, plus rêveur, plus chaleureux aussi. Sans doute parce qu’il se cramponne aux côtés de sa tendre héroïne Alice, qui se glisse sous les traits fragiles d’Alba Rohrwacher. Sous le ciel d’Alice s’abstient de tout positionnement politique, mais raconte les ravages de la guerre à travers son impact sur la sphère familiale. Les mutations du pays se dessinent dans ses décors, qui se ternissent à mesure que la tragédie s'immisce, comme contaminés par la tristesse. 

Chronique de la vie ordinaire

Dans les yeux d’Alice, c’est au Liban qu’elle vit la dolce vita, loin de sa Suisse natale qu’elle quitte au beau milieu des années 50. Elle y rencontre Joseph au détour d’un café : le coup de foudre est immédiat. Ensemble, ils vont construire un foyer et des rêves, comme un rempart contre le reste du monde. Le quotidien se pare de merveilleux à travers des séquences oniriques, où l’on conçoit des bébés en attrapant des cigognes. L’héroïsme est laissé au placard : ici l’on est face à la vie des gens ordinaires dont les petits rêves de bonheur se transforment malgré eux en résistance. 

Pourtant la joie inébranlable d’Alice est mise à rude épreuve à mesure que les premiers bombardements pleuvent sur Beyrouth. La famille, toujours bienveillante et profondément unie, se brise peu à peu en milles morceaux. Pas question de s’attarder sur la violence physique de la guerre. C’est celle émotionnelle qui prend le pas sur le récit, où la peur pour les autres et pour soi anéantit l’espoir d’une vie paisible, si chère à Alice. 

Sous le ciel d’Alice est une déclaration d’amour délicate au Liban, dont Chloé Mazlo dévoile avec pudeur la beauté et la richesse singulière. C’est un poème malicieux à la grâce solaire ; un cinéma de l’artisanat qui séduit par son inventivité et à qui l’on pardonne de tourner parfois un peu en rond. On en ressort le cœur serré et la tête dans les étoiles.


Réalisé par Chloé Mazlo

Avec Alba Rohrwacher, Wajdi Mouawad...

Dans les années 50, la jeune Alice quitte la Suisse pour le Liban, contrée ensoleillée et exubérante. Là-bas, elle a un coup de foudre pour Joseph, un astrophysicien malicieux qui rêve d'envoyer le premier libanais dans l'espace. Alice trouve vite sa place dans la famille de ce dernier. Mais après quelques années de dolce vita, la guerre civile s'immisce dans leur paradis...

En salle le 30 juin 2021

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