DON’T WORRY DARLING - Olivia Wilde
Olivia Wilde réinvente les Stepford Wives dans un divertissement efficace
Le monde du cinéma manquait cette année d’un petit drame festivalier, après une édition cannoise un peu pâlotte. C’était sans compter sur la Mostra de Venise, où Don’t Worry Darling, le deuxième film de Olivia Wilde, était diffusé sous une avalanche de commentaires dans la presse spécialisée et sur les réseaux sociaux, reprenant des mécanismes de scandale presque aussi vieux que le cinéma lui-même. Les hostilités ouvertes entre la réalisatrice et son actrice principale, ou encore le choix de la superstar Harry Styles pour remplacer au pied levé Shia Labeouf dans le rôle masculin, ont alimenté bon nombre de spéculations sur la réalité du tournage du film.
Alors certes, tout bad buzz et autres scandales people sont bons à prendre pour faire de la sortie d’un film un événement. Mais le battage médiatique a non seulement pris le pas sur le film en lui-même, mais a même justifié une descente encore plus virulente de la part de la critique – et après une Première très commentée du film à Venise, on murmurait que de toutes façons, le film n’était même pas si bon que ça. Qu’en est-il vraiment ?
Beauté fatale
Après Booksmart, un premier long-métrage façon teen movie estampillé Netflix (et plutôt réussi), Olivia Wilde voit grand pour son deuxième film en réadaptant librement le livre The Stepford Wives de l’autrice américaine Ira Levin, publié au début des années 1970. De cet ouvrage satirique aux airs de science-fiction, qui dénonçait par l’horrifique l’aliénation des femmes au foyer, la réalisatrice propose une relecture contemporaine qui emprunte autant aux dystopies technologiques type Black Mirror qu’au genre en vogue du feminist horror. On suit alors Alice et Jack, un jeune couple des années 1950, récemment installé dans la ville fictive de Victory en Californie : tandis que Jack travaille sur un mystérieux projet secret aux airs de gentlemen’s club, Alice se met à questionner le monde qui l’entoure et la perfection millimétrée de son quotidien de femme au foyer.
On notera bien quelques défauts, qui relèvent principalement de l’écriture : une installation de décor assez longue, une mise en place du suspense assez maladroite et inégalement rythmée, et des ressorts horrifiques finalement peu exploités, comme si le film hésitait à affirmer son identité cinématographique. En-dehors de la brillante Florence Pugh qui capte toute l’attention, les acteurs tâtonnent, à commencer par un Harry Styles qui brille décidément par son absence dans les films où on le demande. Mais avec une imagerie léchée qui dépeint un monde fifties ultra-fantasmé, où le quotidien des housewives est joyeusement chorégraphié, et avec une narration oscillant entre le thriller et l’horreur psychologique, Olivia Wilde réussit de manière franchement louable un film qui se présente avant tout comme un divertissement, tout en ayant un propos sous-jacent qui n’est pas si anodin.
Ne t’inquiète pas chérie
Car là où Don’t Worry Darling apporte aux Stepford Wives une relecture contemporaine, c’est lorsqu’il met en avant une tendance terriblement actuelle : le repli au conservatisme en temps de crise, et la nostalgie d’une époque fantasmée aux carcans hommes-femmes bien rigides, avec toute la charge horrifique qu’ils portent. Difficile alors de rester calme lorsque certaines des retombées presse accusent Olivia Wilde d’opportunisme féministe, alors qu’il s’agit bien du cœur de son film : elle en propose un traitement, certes imparfait, mais plus intelligent que d’autres films qui ont surfé sur cette même tendance tout en étant mieux reçus par la critique (Men, c’est bien toi que je regarde).