Films Femmes Méditerranée : Nos coups de cœur des films de réalisatrices
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Du 29 novembre au 6 décembre dernier s’est tenue à Marseille la 19e édition du festival Films Femmes Méditerranée dédiée à la (re)découverte des œuvres de réalisatrices issues de tous les coins du bassin méditerranéen. À l’issue de cette programmation, le Prix du documentaire France 24 a été remis par l’équipe d’ActuElles au film No Other Land de Basel Adra, Yuval Abraham, Hamdan Ballal & Rachel Szor et le Prix du court-métrage (décerné par un jury jeunes, composé d’élèves de la prépa cinéma de la cité scolaire Marseilleveyre et d’une classe du lycée Saint-Charles) au film Petit Spartacus de Sara Ganem. Après une semaine de projection, 40 films dont 17 longs-métrages et la présentation en avant-première de Vingt dieux de Louise Courvoisier, nous avons sélectionné nos films coup de cœur :
Lisière (2023) d’Eva Tourrent
La documentariste Eva Tourrent retrace sur plusieurs années sa découverte d’une communauté féminine en non-mixité et féministe, où un groupe construit des cabanes sur un bout de terrain en forêt et vit presque en autarcie depuis les années 1970. Ce groupe en perpétuelle mutation permet à la documentariste d’entamer un parcours profondément intime où elle se questionne sur sa condition propre et se « répare » au contact de ces femmes. Véritable vivier de pensées féministes (en constante évolution), Lisière allie militantisme politique et franche camaraderie. D’abord envisagé comme une réflexion sur l’architecture des cabanes et l’architecture en tant qu’objet social et politique, il ouvre sur des réflexions sur les assignations de genre et les féminités « alternatives ». Ainsi, Lisière filme avec beauté et pudeur des corps de tous âges et des expériences queer comme un refuge salutaire et une terre d’apprentissage où l’on peut (re)venir se (re)trouver.
© GOGOGO Films
Les Gracieuses (2014) de Fatima Sissani
Films Femmes Méditerranée consacrait un focus à la réalisatrice Fatima Sissani en trois films. Étaient proposés La Langue de Zahra, Les Gracieuses et Résistantes. Exclusivement centré sur les récits féminins, le cinéma de Sissani tape toujours juste, particulièrement dans Les Gracieuses où elle suit une bande de meilleures copines vivant en banlieue parisienne. En magnifiant les amitiés féminines, elle filme avec finesse le quotidien de ces cinq jeunes femmes où, protégées par les espaces de sororité qu’elles ont créés, elles peuvent dans le public comme dans le privé se soutenir et s’interroger sur des questions identitaires, religieuses ou de classe et s’émanciper ensemble. Elle déjoue un regard classiste et raciste sur le concept de « fille de banlieue » et propose un autre regard sur ces grands ensembles de la périphérie parisienne. Sissani les filme en conquérantes, en savantes, en sœurs et en confidentes. Habile, le film transmet un sentiment de proximité à travers l’écran, où l’on est séduit par la vitalité et la sincérité qu’exsudent Myriam, Sihem, Khadija, Kenza, Rokia et Leîla.
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Sauve qui peut (2024) d’Alexe Poukine
Dans un centre hospitalier est dispensée une drôle de formation où de fausses et faux patient·es et de véritables soignant·es simulent des conditions médicales lors de fausses consultations. Ce dispositif théâtral a pour but de développer l’écoute et l’empathie des futur·es soignant·es sur les futur·es soigné·es. Alexe Poukine trouve le bon endroit pour poser sa caméra et saisir avec pertinence la gravité mais aussi l’humour du monde médical. Elle filme en filigrane la détresse du personnel médical face au délitement et aux défaillance du système de l’hôpital public belge.
© Wrong Men
East of Noon (2024) d’Hala Elkoussy
La proposition de cinéma la plus ambitieuse du festival venait d’Égypte. Avec East of Noon, Hala Elkoussy déroule un conte hypnotique sur les abus de pouvoir conçu dans un sublime noir et blanc. Très théâtral et contemplatif, il allie cadres romanesques, personnages poétiques et une énergie musicale fiévreuse rehaussée par les interprétations malicieuses et graves de son casting. En dépassant son jeu sur la société du spectacle et ses ficelles, il devient un réquisitoire sur les mécanismes de la dictature.
© Seriousfilm
Hanami (2024) de Denise Fernandes
Sur les plages volcaniques du Cap-Vert, des femmes vêtues de noir se transmettent un bébé en promettant à la mère de celle-ci, en hors-champ, que l’île et ses habitant·es veilleront sur elle. Cette image cousine du magnifique Daughters of the Dust de Julie Dash pose les bases d’un conte fragile doublé d’un récit initiatique. Hanami déploie une cinématographie aux accents pleins de douceur, entre poésie et composition de cadres comme des tableaux. Il allie une sorte de gravité et de violences sourdes intériorisées à la beauté insulaire minérale et naturelle. C’est une reconstruction qui se joue au cœur de l'île, celle d’une fille et sa mère après des années d'abandon.
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