HLM PUSSY - Nora El Hourch

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Aux armes citoyennes

Premier long métrage haut en couleur pour Nora El Hourch : la cinéaste met en scène la fiction d’une révolution féministe qui fait frissonner de sororité, de vitalité, de peur parfois, d’appel au courage toujours.

Ce qui est parfois difficile à trouver dans les films engagés, c’est la capacité à intégrer leurs idéaux dans une histoire qui les dépassent sans pour autant les oublier. Nora El Hourch va plus loin, et en propose plusieurs, des histoires. De la révolution féministe au complexe identitaire de la double culture, c’est par le regard adolescent, aux heures de la découverte de la cruauté, que la réalisatrice se saisit du sujet des violences sexuelles et sexistes en banlieue.

C’est l’histoire d’une révolution. Ce n’est pas tout à fait vrai car avant ça, c’est la chanson, tristement habituelle, d’une jeune fille victime d’agression. Cette fois, ça ne se passera pas comme ça, comme pourrait le scander Judith Godrèche, car ce triste refrain est rattrapé par l’hymne féministe sud-américain – Et le violeur c’est toi qui revient à plusieurs reprises dans le film, et dont Amina, Djeneba et Zineb en seront bientôt les soldates. Tout commence lorsque Zineb est agressée par l’ami de son grand frère Zak, qui l’embrasse de force à une fête d’anniversaire. Les trois amies ont alors l’idée de le piéger en vidéo pour récolter des preuves si souvent absentes des procès. Si Djeneba et Zineb n'avaient pas anticipé qu’Amina posterait la vidéo sur Internet, Amina, elle, n’avait pas imaginé l’ampleur de la révolution “HLM PUSSY” qu’elle allait initier. 

En plus d’être un cri de ralliement, HLM PUSSY est un film qui propose une décomposition de l’agression sexuelle avec un commencement, un intervalle d’action, une fin et un point : le point d’exclamation d’une jeune fille qui apprend à dire non. Mais passez les structures narratives classiques, tant l’agression – avant d’être punie par un cadre juridique précis – est une expérience subjectivement incorporée par la victime. En cela, deux plans se répondent pendant le film et forment ainsi les parenthèses d’un espace-temps modifié, où s’exprime cette subjectivité. Ces deux plans interviennent chaque fois que Zineb est agressée par Zak et filment les mains de la jeune fille. À la différence, tout de même, que le premier plan filme la main droite et le second la main gauche. Ces inserts sont puissants puisqu’ils expriment la détresse du personnage - crispant ses doigts sur le rebord d’un meuble - tout en montrant l’absurdité de la condition féminine : subir encore et toujours. Cette déformation de l’image intervient à l'intérieur même des deux scènes d’agression. Elles sont coupées par le même plan : un focus sur le regard de Zineb, où l’image s’assombrit progressivement, jusqu’à épouser la couleur brune de ses pupilles et plonger la protagoniste dans le noir complet. Cette pause dans l’atrocité qui vient casser le quatrième mur permet alors à la protagoniste d'évoquer l’abîme de sa peur, et symbolise aussi la dissociation traumatique du corps et de l’esprit.

Finalement, l’usage répété du plan fixe comme mise à nu du personnage fait de Nora El Hourch une cinéaste à la hauteur du sujet ô combien sensible dont elle se saisit. Ce n’est plus une caméra qui filme une agression sexuelle, mais une caméra qui filme l’expérience d’une victime, et c’est ce qui fait toute la différence. La réalisatrice confiait au micro de France Inter qu’elle aussi avait été victime d’agression sexuelle et c’est ce qui avait inspiré cette histoire. Nul doute alors que c’est ce qui donne au film une vision si juste et singulière, et qui explique que parfois semble flotter au-dessus des images, les bribes d’une cassure qui n’appartient pas à la fiction. La justesse de la réalisatrice ne cessera d’impressionner, particulièrement dans la représentation nuancée des différentes réactions face à la révolution féministe en cours. Sans jamais juger, la réalisatrice montre l’exercice de contre-pouvoirs inhérents à la banlieue, de la réputation à la priorité de subvenir à ses besoins – et crie, avec HLM PUSSY, le besoin d’un féminisme intersectionnel.

VICTORIA FABY

HLM PUSSY

Écrit et réalisé par Nora El Hourch

Avec Léah Aubert, Médina Diarra, Salma Takaline,Bérénice Bejo

France

2024

Amina, Djeneba et Zineb, trois adolescentes inséparables, postent sur les réseaux sociaux une vidéo mettant en cause l’agresseur de l’une d’entre elles. Elles devront choisir entre sauver leur amitié ou céder face aux pressions.

En salles le 6 mars.

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