INCHALLAH UN FILS - Amjad Al Rasheed

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Patriarcat inscrit dans la loi 

Premier film jordanien présenté à Cannes en 2023, récompensé du Prix de la fondation Gan à la Semaine de la critique, Inchallah un fils, le premier long métrage de Amjad Al Rasheed, dessine un subtil et haletant drame social à travers le combat d’une femme prise au piège dans une société profondément patriarcale. 

Pour son premier long métrage, inspiré d’une histoire familiale et coécrit avec deux femmes scénaristes, Rula Nasser et Delphine Agut, le réalisateur jordanien Amjad Al Rasheed dresse le tableau réaliste du fait même de naître femme dans un monde régi par les hommes. Le jour où l’héroïne, Nawal – incarnée par l’actrice palestinienne Mouna Hawa – découvre au petit matin son mari mort dans son sommeil, elle n’a pas le temps de vivre le deuil et la perte de l’être cher que sa vie entière se retrouve remise en question. Mère d’une fille et non d’un héritier mâle, elle voit son beau-frère contester son héritage et réclamer la maison dans laquelle elle vit et qu’elle a pourtant elle-même payée avec sa dot et son salaire. Juridiquement, il est dans son droit de décider ou non de récupérer ce bien. Veuve, sans fils, sans contrat, payée au noir, ciblée par les dettes de son mari, Nawal se retrouve rapidement coincée dans sa condition de femme privée du droit de propriété, y compris celui de son propre corps. 

Le réalisateur s’attarde sur le quotidien de la jeune femme à travers trois endroits hostiles. D’abord, son lieu de travail, une maison bourgeoise d’une famille chrétienne où elle est aide-soignante pour la tante handicapée de sa patronne. Dans cette bâtisse d’une autre classe sociale et pourtant peuplée de femmes, le patriarcat a bien marqué son empreinte. Si, en apparence, la fille paraît plus libre, ses confessions autour de son mariage malheureux et d’une récente grossesse non désirée la place automatiquement dans cette prison qu’est le fait d’être née femme. Nawal, elle, y est peu considérée, et doit également repousser un collègue kiné insistant. Au milieu, il y a la rue, lieu intermédiaire hostile où le harcèlement sexuel répétitif rend l’espace public oppressant. Il lui restait sa maison, dernier endroit de liberté, celui où elle peut enlever son voile et se sentir chez elle. L’invasion de son beau-frère et de son frère (ainsi que symboliquement d’une souris dans la cuisine) agissant comme des parasites devient une menace dans la sphère privée. Inchallah un fils dessine le portrait de cette héroïne combattante du quotidien prise au piège dans des absurdités juridiques et conservatrices où le mensonge apparaît comme une possibilité de survie. Par ce récit d'émancipation, Amjad Al Rasheed permet à son personnage de se battre avec deux idées en tête : apprendre à conduire pour se libérer complètement et tracer l'espoir d’un avenir meilleur pour sa fille et toutes les filles des futures générations. Salvateur !

DIANE LESTAGE

Inchallah un fils

Réalisé par Amjad Al Rasheed

Écrit par Amjad Al Rasheed, Rula Nasser, Delphine Agut

Avec Mouna Hawa, Seleena Rababah, Haitham Omari

Jordanie, France, Arabie Saoudite, Qatar

Jordanie, de nos jours. Après la mort soudaine de son mari, Nawal, 30 ans, doit se battre pour sa part d’héritage, afin de sauver sa fille et sa maison, dans une société où avoir un fils changerait la donne.

En salles le 6 mars.

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