LE ROBOT SAUVAGE - Chris Sanders

© DreamWorks Animation

Maternité robotique 

Adapté du roman illustré de Peter Brown, Le Robot sauvage est un conte universel malin et poétique – doté d’une identité visuelle empruntée à la peinture impressionniste – sur la découverte de soi et l’acceptation du deuil, faisant de son héroïne robot une figure maternelle inattendue.

Chris Sanders, scénariste et réalisateur du Robot Sauvage, retrouve l’équipe gagnante de la superbe trilogie Dragons (2010-2019) dont il a coréalisé le premier opus et déploie cet émouvant coming of age poétique, où une robot conçue pour accompagner les humains dans leurs tâches quotidiennes devient la figure maternelle d'un oison et des habitants de la forêt, où elle s'est échouée par erreur à la suite d’un typhon. L’unité ROZZUM 7134, ou Roz, n’a été programmée que dans un seul but, aider son prochain. Une fois la tâche détectée, elle se doit de l’accomplir pour passer à la suivante. Clairement conçue pour évoluer en milieu urbain –  ici moderne et futuriste –  elle se heurte rapidement au cadre insulaire auquel, naufragée, elle est malgré elle confrontée. Face à cette nature sauvage, sa flore et surtout sa faune locale, elle doit surmonter son assignation initiale et à la manière d’un animal ou un humain s’adapter à son environnement pour accomplir sa tâche. Évidemment, rien ne se passe comme prévu et, au cours de péripéties sautillantes, Roz devient partie intégrante de l'île, construisant au passage avec ses habitants une nouvelle façon de faire famille. 

Personnage persévérant, Roz, machine aux courbes rondes et à l’intelligence pratique, s’inscrit dans la longue lignée des « gentils robots » de fiction à l’instar d’un C-3PO, d’un Géant de Fer ou d’un Baymax. Elle étudie les habitudes des autochtones de la forêt et leurs spécificités pour mieux répondre à leurs besoins. Ainsi, par un habile tour de scénario, elle décode leur langue et parvient à communiquer avec eux, dotant le récit d’animaux anthropomorphiques, chers au cinéma d’animation. Rebondissements rocambolesques d'adaptation aidant, elle acquiert la responsabilité d’un jeune oison, Joli-Bec, qu’elle recueille et élève avec l’aide d’un malin goupil nommé Escobar.

Au lieu de se contenter d’assigner une simple maternité genrée à un robot perçu comme féminin – Roz est doublée (en VO) par la comédienne Lupita Nyong’o qui lui apporte profondeur et fantaisie –  le film construit la véritable découverte d’une parentalité non normée où un être synthétique et des animaux anthropomorphiques élèvent un oison et le préparent au passage à l'âge adulte. Ainsi, le spectateur adulte omniscient discerne rapidement les enjeux familiaux qu’installe le film, et sous-couvert d’apprendre à Joli-Bec à se nourrir, à nager et à voler par lui-même pour rejoindre les oies dans leur migration, le récit développe les thématiques universelles de l’acceptation de soi, de la puissance de l’amour et de la célébration des différences destinées à un public jeunesse. Futé et romanesque, le film parvient à répondre aux attentes des deux publics et s’inscrit dans le meilleur du divertissement familial.

L'appel de la forêt 

En suivant ce trio d’outsiders, Le Robot sauvage développe un triple coming of age pour cette unité familiale singulière et aborde avec délicatesse la thématique complexe du deuil. Le coming of age de Roz lui permet d’acquérir une compréhension intime de l’amour, de la vie, de la mort et de la douleur inéluctable de la perte. Astucieux, il esquisse des enjeux d'intelligence artificielle quand Roz dépasse son programme et devient un être sensible doté d'une individualité propre. Film aux intentions lisibles et au scénario simple, il prouve qu’une formule simple fonctionne toujours et ne s’use pas si facilement quand on sait la faire briller.

Conte teinté de préoccupations écologiques, puisqu'il aborde en filigrane la préservation de l'écosystème de la forêt et le sauvetage des espèces menacées qui l'habite, Le Robot sauvage est doté d’un univers visuel étonnant. Il allie une technique d’animation mêlant animation traditionnelle et procédés numériques au style pictural et impressionniste s’inspirant d'œuvres emblématiques comme Bambi (1947), Mon voisin Totoro (1988) ou les peintures du courant impressionniste. Sanders et ses équipes dessinent les contours d’un univers unique aux couleurs riches et apportent chaleur et humanité à leurs personnages. « En tirant parti des avancées technologiques de DreamWorks, nous avons créé un film avec un style d’animation totalement unique. Imaginez une forêt de Miyazaki qui prendrait vie grâce au travail de Claude Monet ». Ce choix formel tranché parachève l'exploration d'un récit initiatique sensible où l'on apprend ce qu'est être au monde, dans un environnement enchanteur alliant technologie et nature.

LISA DURAND

Le Robot sauvage

Écrit et réalisé par Chris Sanders

Avec les voix (VO) de Lupita Nyong’o, Pedro Pascal et Kit Connor

États-Unis, 2024

Le Robot Sauvage suit l’incroyable épopée d'un robot – l'unité ROZZUM 7134 alias “Roz” – qui après avoir fait naufrage sur une île déserte doit apprendre à s'adapter à un environnement hostile en nouant petit à petit des relations avec les animaux de l'île. Elle finit par adopter le petit d’une oie, un oison, qui se retrouve orphelin.

En salles le 9 octobre 2024

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