LE VOURDALAK - Adrien Beau
Au nom du père
De facture artisanale et expérimentale, le premier long-métrage d’Adrien Beau adapte le conte gothique du Vourdalak pour raconter les violences patriarcales à l’échelle d’une famille. À suivre.
Exit les réadaptations éculées de Dracula et Nosferatu. Sorti en salles à point nommé pour Halloween, le premier long-métrage d’Adrien Beau, réalisateur issu du milieu de la mode, adapte le conte d’Alexis Tolstoï (lointain parent de Léon), La Famille du Vourdalak. Au début du 19e siècle, le marquis Jacques Antoine Saturnin d’Urfé, émissaire du roi de France, trouve refuge chez une famille dont le père, Gorcha, est parti à la guerre depuis six jours. Celui-ci revient alors sous la forme d’un Vourdalak, un monstre aux allures vampiriques, et abuse de la confiance de ses enfants pour prendre lentement possession des membres de sa famille, malgré les avertissements du marquis.
Réalisé avec un budget dérisoire, Le Vourdalak joue de son aspect artisanal pour amplifier la mise en scène du conte et l’étrangeté qui lui est associée. Tourné en 16 mm et à faible luminosité, donnant à la photographie un aspect ouaté, le film mobilise un minimum de décors et de personnages... Et un monstre incarné par une marionnette en slow-motion, à la fois spectaculaire et ridicule. Tout repose alors sur la partition des acteurs, parmi lesquels se dénotent particulièrement Vassili Schneider en cadet queer, Ariane Labed en veuve mystique et Grégoire Colin en aîné mutique – et surtout Kacey Mottet-Klein en marquis poudré et hagard, dont la liberté de ton parfaitement maîtrisée donne ce qu’il faut de légèreté à l’œuvre. Car le film ne se prend pas excessivement au sérieux, et Adrien Beau s’amuse à truffer son œuvre austère de clins d’œil amusés, qui la rendent sympathique malgré sa facture artisanale.
Au centre de cette partition, le Vourdalak, réincarnation vampirique du patriarche, prend possession de ses descendants à travers une succession de violences patriarcales qui préexistaient à l’ouverture du film. C’est le petit-fils, qui sera le premier à être abusé et mangé ; c’est le fils queer, qui sera abattu après s’être travesti ; c’est l’aîné, qui sombrera dans un violent alcoolisme à la possession de son fils ; c’est la cadette, enfin, dont l’émancipation sera interdite. Sans verser dans le symbolisme pompeux, Adrien Beau intègre ces éléments par petites touches mystérieuses pour fondre son propos dans les lignes de son récit, à la manière des contes.
MARIANA AGIER