SIDONIE AU JAPON - Élise Girard

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Le charme discret des endeuillés

Dans ce beau film hanté, Isabelle Huppert incarne avec une finesse tragicomique certaine une écrivaine en mal d’inspiration en voyage au Japon. La réalisatrice Élise Girard habille le deuil d’une rare élégance.

« L’écriture, c’est ce qui reste quand on se retrouve sans rien », déclare Sidonie Perceval (Isabelle Huppert) dans Sidonie au Japon. Mais que reste-t-il quand il ne reste même plus l’écriture ? L’écrivaine autrefois à succès n’a plus d’inspiration. Les tragédies de son existence l’ont d’abord inspirée. La dernière en date, la mort de son mari, a provoqué l’effet inverse. Une inertie qui assèche sa plume et la pousse, jusqu’à la dernière minute, à planter le voyage prévu au Japon pour la réédition de son premier roman. Manque de bol, son avion est plus en retard qu’elle et la voilà débarquée dans ce pays qu’elle ne connaît pas et comprend encore moins, condamnée à trottiner derrière son éditeur, Kenzo Mizoguchi (Tsuyoshi Ihara). 

Ensemble, ils s’embarquent dans une tournée de dédicaces et d’interviews ponctuée de visites de temples et de séjours à l’hôtel ou en auberge. Autant d’occasions d’éprouver la gluante solitude du veuvage. Mais aussi, et c’est tout l’objet de ce long-métrage d’Élise Girard, de laisser partir les fantômes les plus encombrants. La réalisatrice s’amuse d’ailleurs du hiatus très japonais entre les protocoles les plus rigides et l’importance accordée aux esprits de la culture nipponne. Ce faisant, elle filme avec une délicatesse rare le cheminement de deux êtres aussi dissemblables qu’unis par la douleur, s’appuyant à raison sur le talent de son duo de comédiens. 

Mais c’est souvent sa mise en scène à la fois discrète et soignée qui emporte la mise. On ne peut qu’admirer ces plans pastel à la Rohmer, ces cadres larges qui transforment les personnages en petites marionnettes perdues dans le monde, ces petits détails, comme des tongs rose fuschia lumineuses brillant dans la nuit, qui viennent apposer du comique par petites touches. Élise Girard a aussi l’art de jouer avec les répétitions. Il en est ainsi des plans fixes en voiture, au fil desquels, imperceptiblement, Sidonie et Kenzo se rapprochent, jusqu’à échanger leurs sièges. Rarement le deuil, et surtout son acceptation, auront été aussi élégants au cinéma.

MARGAUX BARALON

Sidonie au Japon

Réalisé par Élise Girard

Écrit par Élise Girard, Sophie Fillières

Avec Isabelle Huppert, Tsuyoshi Ihara, August Diehl

France, Allemagne, Suisse, 2023

Sidonie se rend au Japon à l’occasion de la ressortie de son best-seller. Malgré le dévouement de son éditeur japonais avec qui elle découvre les traditions du pays, elle perd peu à peu ses repères...Surtout lorsqu’elle se retrouve nez à nez avec son mari, disparu depuis plusieurs années !

En salles le 3 avril.