THE LAST SHOWGIRL - Gia Coppola

© Roadside Attractions

Alerte à Las Vegas

Après Palo Alto dans son premier film éponyme et Hollywood dans Mainstream, Gia Coppola investit un nouvel espace de l’Ouest états-unien pour déceler, derrière le vernis du « rêve américain », les failles d’un monde en carton-pâte et de celleux qui l’habitent. Malgré la volonté de voir au-delà des paillettes, la réalisatrice reste à la surface du portrait de son héroïne.

En 1995, Paul Verhoeven dépeignait, dans son navet devenu culte Showgirls, les aventures de Nomi Malone, une jeune femme qui court après la gloire à Las Vegas. Trois décennies plus tard, Gia Coppola s’empare à son tour de l’archétype de la showgirl, cette fois pour raconter la fin de carrière de l’une d’entre elles, Shelly Gardner, à l’affiche depuis trente ans du show « Le Razzle Dazzle ». Lorsque le producteur du spectacle annonce que celui-ci s'arrêtera dans deux semaines, le monde de la danseuse interprétée par Pamela Anderson s’effondre. Ici, pas de kitsch pseudo-érotique ou de satire acerbe, mais un drame mélancolique pour dire la fin d’un univers démodé, baigné dans une lumière douce presque irréelle. Pétri de bonnes idées et de bonnes intentions, The Last Showgirl pèche par excès de stylisation et par manque d’écriture.

Sur les premières images, la caméra filme, au plus près des corps et des costumes, l’agitation qui précède le début du spectacle. L’écran est envahi par les plumes, et le bruit des talons qui trottinent jusqu’à la scène résonne, immergeant le public dans ce qu’il n’est pas censé voir. C’est le parti pris de la réalisatrice qui, jusqu’aux dernières minutes du film, ne nous dévoile jamais le spectacle, mais s’intéresse à ce qui se passe en coulisses. La cinéaste tente aussi de se distinguer de l’imaginaire collectif associé à Las Vegas, construit par tout un catalogue de films qui ont montré, sous toutes les coutures, les enseignes aveuglantes du Strip, le fameux boulevard bordé de casinos et d’attractions touristiques.

Sur une terrasse, Shelly surplombe ce décor qui reste en arrière-plan, dans une image pâle aux bords flous. Si elle conserve une fascination pour les vitrines et les néons, elle est surtout filmée dans des espaces périphériques, de sa petite maison de banlieue à sa voiture en bordure d’autoroute. Coppola, en voulant faire ce pas de côté, n’échappe pas pour autant à un autre écueil, celui du film arty, qui use à outrance du flou et des lumières naturelles pour figurer une forme de vérité. Le grain de la pellicule donne à l’image l’aspect nostalgique d’un monde en train de disparaître, dans lequel les repères du personnage sont bousculés. Si The Last Showgirl ne manque pas de poésie, il ne brille pas non plus par son originalité, et laisse aux spectateur·ices l’impression décevante du déjà vu.

© Roadside Attractions

De film en film, Gia Coppola construit une galerie de personnages féminins en proie à leurs rêves de petites filles et aux désillusions qui vont avec, de la fin de l’adolescence à la cinquantaine. Les performances des actrices sont ici convaincantes, mais ne suffisent pas à compenser les faiblesses d’un scénario qui leur laisse toute la charge de l’incarnation. L’interprétation de Shelly par Pamela Anderson, playmate emblématique confrontée au sein de l’industrie aux mêmes enjeux que l’héroïne du film, aurait pu apporter une profondeur que le film ne fait qu’effleurer. Gentiment moquée par ses collègues qui la surnomment le « dinosaure », elle est la plus âgée de la troupe, et s’accroche au show malgré la désertion du public et sa relégation au dernier rang, lorsque des danseuses plus jeunes l’ont remplacée sur le devant de la scène.

On ne peut s’empêcher de penser à Demi Moore dans The Substance de Coralie Fargeat. Si les parcours des deux actrices sont très différents, il est intéressant de noter que le film s’inscrit dans un mouvement qui voit Hollywood se questionner sur le vieillissement des femmes et des actrices – tant qu’elles restent belles, minces, blanches et valides, précisons-le. Sans idéalisation, Coppola nous montre aussi une communauté féminine qui tente de s’entraider face à un système qui les précarise et les méprise lorsqu’elles vieillissent. Les personnages masculins, peu nombreux, sont porteurs de mauvaises nouvelles ou de mauvais souvenirs, et restent en périphérie d’un film qui a le mérite de ne pas faire exister les femmes en fonction d’eux. L’amitié de Shelly avec Annette, ancienne danseuse reconvertie en serveuse dans les casinos et interprétée par la géniale Jamie Lee Curtis, aurait par ailleurs mérité plus d’espace pour se développer et exister pleinement. Là aussi, Gia Coppola amorce des bribes de réflexion sur la question de l’âge, de la sororité ou encore de la maternité, mais reste à la surface de sa propre ambition.

LOUISE BERTIN 

The Last Showgirl

Réalisé par Gia Coppola

Ecrit par Kate Gersten

Avec Pamela Anderson, Dave Bautista et Jamie Lee Curtis

USA, 2024

Shelly, une danseuse de cabaret expérimentée, doit faire face à son avenir lorsque son spectacle à Las Vegas est brusquement interrompu, après 30 ans de représentation. Danseuse dans la cinquantaine, elle peine à trouver quelle suite donner à sa carrière. Et en tant que mère, elle cherche à réparer une relation tendue avec sa fille, qui a souvent été reléguée au second plan par rapport à sa famille d'artistes.

En salles le 12 mars 2025.

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