Notre top des films passés par la Semaine de la Critique à Cannes
Tous les mois, la rédaction de Sorociné vous partage ses coups de cœur thématiques. En mai, pour célébrer l’ouverture du 77e festival de Cannes et mettre en avant les sélections parallèles du festival, Alicia Arpaïa, Mariana Agier, Manon Franken, Margaux Baralon, Lisa Durand et Öykü Sofuoglu vous partagent leurs pépites découvertes à la Semaine de la Critique, qui sélectionne des premiers et deuxièmes films de cinéastes à suivre.
La Dame de Constantinople, Judit Elek, 1969
Disponible sur La Cinetek
Dès ses premières éditions, la Semaine de la Critique met en lumière de jeunes réalisatrices. Certains grands noms y ont débuté, comme Vera Chytilova avant la déflagration de ses Petites Marguerites, mais aussi Judit Elek, cinéaste hongroise figure de la nouvelle vague locale dont l'oeuvre entre fiction et documentaire tant à être redécouverte, après notamment un hommage à Cannes Classics l'année dernière. La Dame de Constantinople, son 2ème long-métrage, suit avec douceur quelques jours de la vie d'une vieille dame contrainte de vendre son appartement à Budapest. Les gens intéressés sont nombreux, découlant sur une série de rencontres venant combler sa solitude. Un film délicat et un très beau personnage magnifiant la vieillesse sur grand écran. A.A.
AVA, Léa Mysius, 2017
Disponible sur UniversCiné
Pendant ses vacances au bord de mer, la jeune Ava apprend qu’elle va bientôt perdre la vue. C’est à partir de ce point de départ tragique que Léa Mysius déroule son premier film, un récit d’apprentissage aux tonalités poétiques et surréalistes, où le concept du regard se fait à la fois source d’angoisse et vecteur d’un désir naissant. Car cette menace de perdre la vue amène Ava à développer ses autres sens, et à faire l’expérience de son corps en transformation. Une notion qu’on retrouve dans son film suivant, Les Cinq Diables, et qui fait de Léa Mysius une cinéaste du toucher et du sensoriel. M.A.
Tu mérites un amour, Hafsia Herzi, 2019
Disponible sur FilmoTV et UniversCiné
Déjà connue en tant qu’actrice, Hafsia Herzi réalisait en 2019 son premier long-métrage sans grand budget, avec des décors du quotidien et une approche naturaliste. À Paris, Lila (Hafsia Herzi elle-même) se voit brisée à la suite d’une rupture amoureuse. La formule aurait pu frôler le désastre, le résultat s’avère ici touchant. Tu mérites un amour livre une observation sensible et sans poncifs des mœurs sentimentales de notre époque, en s’attardant joliment sur les émotions que traversent sa palette de personnages convaincants. Une jolie surprise sur la Croisette que la réalisatrice réitérera avec Bonne mère, lauréat cette fois au prix Un Certain Regard en 2021. M.F.
Le Ravissement, Iris Kaltenbäck, 2023
Disponible sur UniversCiné
Ravissement, nom masculin. Peut désigner un état d’extase. Ou un enlèvement. Évidemment, le magnifique (premier) long métrage d’Iris Kaltenbäck joue de cette ambigüité et son personnage principal, Lydia, sage-femme rigoureuse et investie, connaîtra les deux. Lorsque sa meilleure amie, Salomé, accouche d’une petite fille, Lydia est là. Lorsque Salomé fait une dépression post-partum, Lydia est toujours là. S’occupe de l’enfant, prend le relais, jusqu’à s’enfoncer dans un mensonge qui la fait disparaître et engloutit la professionnelle consciencieuse et équilibrée qu’elle a toujours semblé être. La première force du Ravissement tient dans cette plongée à la fois vertigineuse et étrangement familière dans ce qui ressemble aussi bien à de la folie qu’à un besoin d’amour universel. La seconde performance est bien sûr celle d’Hafsia Herzi, toute de trouble intériorisé, et qui trouve dans ce film sobre et délicat son meilleur rôle. M.B.
Une jeune fille qui va bien, Sandrine Kiberlain, 2022
Disponible sur Canal VOD, FilmoTV et UniversCiné
Du haut de ses dix-neuf ans, Irène n'aspire qu'à deux choses: réussir le concours d'entrée au conservatoire d'art dramatique de Paris pour devenir comédienne et tomber amoureuse. La jeune fille et ses ami.es qui ne jurent que par les mots de Marivaux, respirent la légèreté, la vivacité et l'espièglerie. Pourtant la tragédie plane, diffuse, sur Irène et ses proches. Nous sommes en 1942, la France commence à être occupée par l'Allemagne nazie. Irène est juive et son destin funeste se scellera sous la chaleur étouffante de l'été. La comédienne Sandrine Kiberlain passe avec brio derrière la caméra pour la première fois et rend hommage à ses grands-parents juifs polonais. Elle livre un long-métrage d'une grande finesse à la violence sourde et révèle une comédienne extraordinaire : Rebecca Marder. L.D.
Tout le monde aime Jeanne, Céline Devaux, 2022
Disponible sur MyCanal
Il y a des moments où tous les aspects de notre vie semblent se mettre d'accord pour nous tourmenter, et l'on sent qu'il ne nous reste rien d'autre à faire que de plonger dans des fous rires en pleurant, pris dans une hystérie et une euphorie totales. C'est le sentiment que Tout le monde aime Jeanne de Céline Dévaux laisse à son public. Jeanne, interprétée par une Blanche Gardin lumineuse, éclate également de rire avec nous, cherchant à étouffer en sa petite voix intérieure qui ne cesse de la critiquer et de se plaindre. Bien que rempli d'humour, de folie et de rencontres fortuites, Devaux offre un film sur le vide au milieu de l'abondance, que ce soit dans un appartement rempli de souvenirs ou dans l'esprit d'une femme. Les contrastes émotionnels sont si tranchants et vifs que, comme les couleurs de cet appartement lisboète, ils éblouissent nos yeux autant que nos cœurs. O.S.