UN PRINTEMPS À HONG KONG - Ray Yeung

Briser le tabou

Relativement discret lors de sa sortie dans les salles françaises malgré un petit parcours en festivals, Un printemps à Hong Kong est sorti en DVD au début du mois de septembre. Il s’agit du troisième long-métrage de Ray Yeung qui se définit lui-même, dans une interview vidéo, comme un « réalisateur LGBT ».

L’homosexualité est globalement taboue à Hong Kong. Aussi Pak et Hoi, tous les deux soixantenaires et pères de famille, cachent leurs véritables orientations romantiques et sexuelles à leurs proches. Un printemps à Hong Kong retrace leur aventure, le temps d’un printemps, à l’abri des regards de la femme de Pak et du fils de Hoi. Les deux hommes vivent leur secret avec plus de moins de discrétion. Si Hoi se cache de sa famille, il passe pourtant du temps dans une association d’hommes gays de son âge. Il profite également de sa retraite en étant actif pour des œuvres de charité, fréquente une église et prend soin de sa petite-fille, là où Pak continue à travailler et entretient vaguement un mariage sans passion.

Une chronique sociale mélancolique

La principale force d’Un printemps à Hong Kong est incontestablement l’incarnation de ses personnages, grâce auxquels l’histoire se forme. Ils sont bien écrits, avec toutes les subtilités qu’un être peut avoir et composés avec délicatesse par des comédiens très différents mais qui parviennent à faire naître la relation. Il faut dire que Pak et Hoi ne sont pas tout le temps des âmes sœurs sur la même longueur d’onde mais les deux hommes apprennent, à se connaître, d’abord au détour d’une chambre dans un sauna gay, puis dans la rue, dans laquelle ils ne deviennent alors qu’amis aux yeux de tous.

L’exaltation de la passion est pourtant ce qui pèche dans Un printemps à Hong Kong. Les représentations charnelles sont composées de courts tableaux à l’esthétique vague, desquels rien ne sort particulièrement. Ray Yeung, dont c’est le premier film dans sa ville natale, semble tirer une certaine inspiration des couleurs chaudes et ralentis de Wong Kar-Wai, qui ne trouvent cependant pas leur place dans l’aridité de son œuvre. Le film reste dans l’observation d’une parenthèse aussi tendre que triste d’une histoire sans avenir. C’est aussi le portrait d’hommes, entre 60 et 70 ans, bloqués dans une envie d’exposer ce qu’ils sont vraiment avant ne plus le pouvoir et la crainte de devoir supporter, au mieux le regard des voisins, au pire la rupture familiale. Ray Yeung explique, encore une fois dans les bonus du DVD, s’être inspiré de vrais témoignages recueillis au fil de ses rencontres, c’est peut-être pourquoi les profils et les paroles sonnent tous aussi justes.

Un printemps à Hong Kong est aussi le récit d’une certaine classe sociale, moyenne ou plutôt populaire, qui compare le prix des marchés de quartier aux supermarchés de proximité, acharnée au travail et ne disposant pas toujours de l’espoir nécessaire pour vivre comme bon lui semble. L’idylle entre Pak et Hoi prend place au sein d’un parc puis s’affiche dans un sauna gay visiblement bon marché, avant que chacun regagne son appartement, situé dans des immeubles abîmés. A défaut d’être une histoire de passion amoureuse, Un printemps à Hong Kong demeure une chronique douce et mélancolique, sans le moindre épanchement pathétique, sur la condition des soixantenaires et septuagénaires gays dans une ville qui, le film l’espère, tend à s’ouvrir sur le tabou.


Réalisé par Ray Yeung

Avec Tai-BoBen Yuen, Lo Chun Yip

Pak, chauffeur de taxi et Hoi, retraité, vivent à Hong Kong. Ils ont construit leur vie autour de leur famille mais leur rencontre, au hasard d’une rue, les entraîne sur les pentes d’une belle histoire d’amour, qu’ils décident de vivre sans toutefois bouleverser les traditions de leur communauté.

Disponible en DVD

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