WOODLANDS DARK AND DAYS BEWITCHED : A HISTORY OF FOLK HORROR - Kier-La Janisse
Les légendes ne meurent jamais
Disponible en France via Shadowz, le documentaire Woodlands Dark and Days Bewitched : a history of folk horror revient sur le parcours d’un sous-genre horrifique riche, et sans cesse renouvelé.
Synthétiser l’histoire de la folk horror en un peu de plus de trois heures : le pari était ambitieux, et Kier-La Janisse l’a tenu. Autrice, programmatrice, productrice, fondatrice du Miskatonic Institute of Horror Studies, elle est également la plume de l’essai House of Psychotic Women : An Autobiographical Topography of Female Neurosis in Horror and Exploitation Films (FAB Press, 2012). Son curriculum vitae parle pour elle. Et la richesse de Woodlands Dark and Days Bewitched est aussi longue que tous ces titres cités, puisque le documentaire rassemble des témoignages d’auteur.ices spécialisé.es dans le sujet comme de réalisateur.ices y ayant puisé.es leurs inspirations. Le tout, étayé par des extraits de films : des œuvres cultes, des archives dont on ignorait l’existence, ou encore des sorties relativement récentes, comme Midsommar d’Ari Aster (2019), le téléfilm Penda’s Fen d’Alan Clarke (1974) ou encore Kwaidan, de Masaki Kobayashi (1964).
Extrêmement factuel et sans le moindre temps mort, le documentaire découpé en mini-série reste un essai qui expose et explore globalement les principaux points de la folk horror, dans son universalité tout comme dans ses différences. L’évolution et le traitement de ses thématiques sont abordés en parallèle puisque dans la grande frise du genre, un spécialiste de Shakespeare côtoie l’exode rural rêvé par le mouvement hippie. Le paysage cinématographique de Grande-Bretagne, territoire autrefois très rural, est le premier lieu à être abordé. La première figure est celle de la sorcière, introduisant l'étude des rapports de force dans la folk horror, un angle présent à plusieurs reprises dans le documentaire. S’il ne cite jamais le terme de sociologie, on peut difficilement l’ignorer.
Aux quatre coins de la planète
Allant à l’encontre du western en creusant la terre plutôt qu’en étendant l’espace (pour reprendre les mots du documentaire), le folk horror a trouvé de quoi s’alimenter sur le sol américain. Woodlands Dark and Days Bewitched évoque les rapports coloniaux, inhérents au genre, puisque son imaginaire est imprégné des légendes des natifs, en les distordant souvent. A ces représentations s'ajoutent du puritanisme et la guerre civile, évoqués dans le deuxième épisode qui dissèque la «famille de péquenauds» incarnée par Délivrance (1972) et Massacre à la tronçonneuse…
Mais fort heureusement, le documentaire ne verse pas dans l’ethnocentrisme : tous les continents sont représentés, avec un segment qui donne envie de se passionner pour le cinéma australien. Dans ce tour du monde du cinéma d’horreur, la psychogéographie du genre ne peut être ignorée, elle même mise à l’honneur.
La fin de Woodlands Dark and Days Bewitched : a history of folk horror tend à inviter le folk horror à se développer encore et toujours, par les mutations sociales. L’occasion peut-être de ressortir dans dix ans 6 heures d’études du sujet – en tout cas, on ne dit pas non.
MANON FRANKEN