ANIMALIA - Sofia Alaoui
Spiritualité, fantastique, et ovni cinématographique
Etrange proposition de cinéma que celle de Sofia Alaoui, réalisatrice franco-marocaine, déjà remarquée en 2020 avec son court-métrage Qu’importe si les bêtes meurent ; récompensé d’un César et d’un Prix du Jury au festival de Sundance, cette première réalisation témoignait déjà de la capacité de la réalisatrice à flirter avec le fantastique, tout en mettant en lumière ses racines marocaines et la langue amazighe. Avec Animalia, elle propose un premier long-métrage inclassable et audacieux, qui pâtit néanmoins d’un discours philosophique assez confus.
C’est indéniable, le cinéma maghrébin présente aujourd’hui une génération de réalisatrices à suivre de très près : Kaouther Ben Hania (Les Filles d’Olfa), Mounia Meddour (Papicha, Houria), Maryam Touzani (Le Bleu du Caftan), Leyla Bouzid (Une Histoire d’Amour et de Désir), Yasmine Benkiran (Reines)… Autant de cinéastes aux propositions enthousiasmantes, tournées vers un cinéma de l’intime et de l’émancipation. Parmi celles-ci, la franco-marocaine Sofia Alaoui voit grand avec Animalia, un premier film de science-fiction se déroulant au Maroc, particulièrement dans le Haut Atlas. Itto, une jeune femme enceinte, y mène seule un périple, tandis que des phénomènes étranges indiquent une mystérieuse présence dans le ciel.
Avec un sens visuel indéniable, que ce soit pour filmer des intérieurs contraignants ou les paysages de l’Atlas marocain suggérant le fantastique, Animalia ne manque pas d’audace : rares sont les premiers long-métrages indépendants qui, avec leur lot de contraintes budgétaires, s’attaquent frontalement au registre du fantastique. Il n’est d’ailleurs pas anodin que la réalisatrice se soit emparée d’un genre cinématographique communément accaparé par l’Amérique du Nord, où le Maghreb et le Moyen-Orient font régulièrement l’objet de représentations stéréotypées, pour se réapproprier le registre et y apposer sa vision du monde.
Pas de doute, les clins d’oeil au Premier Contact de Denis Villeneuve sont nombreux, qu’il s’agisse de l’esthétique brute et vaporeuse du film, ou même du coeur de son intrigue : une mère en devenir est confrontée à des présences extra-terrestres échappant au visible, qui vont lui donner accès à une nouvelle lecture spirituelle du monde. Et c’est ici que l’on va perdre la réalisatrice dans son propos, puisque cette grammaire spirituelle, qui remet en question les croyances de l’héroïne et l’avenir luxueux que lui promet son compagnon, reste assez indéfinie. Dans son voyage, la future mère va être en contact avec une vérité qui dépasse la religion et la matérialité, qui lie l’individu à l’universel, mais dont la finalité échappe au public. Il y avait sans doute beaucoup de choses à dire, et c’est là souvent le problème des premiers films, dont le carcan rigide ploie sous le nombre d’idées. Affaire à suivre, donc, pour Sofia Alaoui.
MARIANA AGIER