BENNI - Nora Fingscheidt

En l’absence d’un miracle

Le titre allemand de Benni est difficilement traduisible en français. Il faut dire que le parcours de cette enfant n’est pas évident. Il met en lumière l’impuissance des rouages et d’un personnel pourtant on ne peut plus bienveillant. A 9 ans, Benni est poursuivie par une expérience traumatisante. Elle est maladivement impulsive et sujette à des crises de violence. Les foyers n’en veulent plus puisqu’elle trouble leur fragile tranquillité et peut faire du mal aux autres pensionnaires. Micha, un auxiliaire de vie scolaire spécialisé dans le cas d’adolescents difficiles entre alors en scène. 

Du fantasme de réparation

À en croire le synopsis, Benni serait un feel-good movie sur le rôle d’un travailleur social prêt à tout pour sauver une enfant d’une destruction imminente. Mais, éclairée et renseignée, l'œuvre affiche rapidement, à travers un dialogue, une volonté de ne pas tomber dans le “fantasme de réparation”, dans lequel un héros permettrait à la protagoniste de changer. Il n’y a rien des ridicules écueils romanesques, qui idéalisent ces situations tendues, quitte à basculer dans une violence continue. Il y a des cris, il y a de la musique agressive, tout est illustration de la rage de cette enfant, traumatisée par une tentative de meurtre lors de ses premiers mois. Là où le film n’a rien de voyeuriste, il affiche pourtant un défaut primordial : une durée excessive, d’abord symptomatique d’une souffrance continue, puis vecteur de répétition abusive auprès d’un spectateur éclairé. 

Dans une autre mesure,Bennia le mérite d’être assez fin dans l’écriture de ses personnages, y compris pour le rôle de la mère de la fillette, tiraillée par l’amour pour sa progéniture et la crainte de ne pas savoir faire face. Il aurait été aisé de faire passer cette mère qui délaisse, à plusieurs reprises, allégrement sa fille, comme irresponsable mais le regard de Nora Fingscheidt est tout autre puisque sans jugement. Son film n’est pas une histoire du triomphe du bien sur le mal puisqu’il entretient sans cesse sa demi-mesure. Il n’y a d’ailleurs aucun bien et surtout aucun mal : catégoriser de la sorte une fillette si jeune serait écraser tout le travail fait par les professionnels qui l’entourent. 

Histoire d’une enfance

Benni n’a que 9 ans mais peut être inquiétante. Elle a de fréquentes crises de colère pendant lesquelles elle hurle, insulte et frappe. Elle n’a aucune limite, jusqu’à effrayer sa propre mère. Si on lui touche le visage, elle devient encore plus incontrôlable. Cette violence trouve source dans un choc de petite enfance, faisant du personnage la principale victime de sa condition. A contrario, Benni ne se révèle pas dénuée de douceur ou d’empathie, elle parle de son cheval de thérapie, câline un lapin ou s’occupe d’un bébé. Le film laisse exister des instants de grâce, choisis avec parcimonie, dont l’observation fugace dessine les qualités du montage. 

C’est une œuvre sans cesse à fleur de peau, à la fois dans sa douceur et sa violence – mais surtout cette violence face à l’amour qui manque parfois à la fillette tout comme à cet amour qu’elle refuse. Manipulatrice mais innocente, cruelle mais bienveillante, Benni met en lumière la merveilleuse interprétation de Helena Zengel (déjà repérée par Hollywood puisqu’elle donne la réplique à Tom Hanks dans le dernier film de Paul Greengrass). 

Le premier film de Nora Fingscheidt ne laisse en rien paraître qu’il s’agit d’une première expérience de direction de long-métrage. Si on regrette qu’il ait eu peine à faire quelques coupes, il reste un travail aussi intéressant que qualitatif, viscéral et intelligent, tout en se retenant d’émettre des solutions qu’il ne peut avoir. C’est, en somme, une arrivée sur OCS qui vaut le détour. 


Réalisé par Nora Fingscheidt

Avec Helena Zengel, Albrecht Abraham Schuh, Tedros Teclebrhan, Lisa Hagmeister… 

A 9 ans, Benni est une enfant intenable, parfois agressive, qui a épuisé toutes les solutions d'accueil proposées par les services sociaux pour lui permettre de retrouver un peu de stabilité. Bianca, sa mère célibataire, a peur d'elle et manque régulièrement leurs rendez-vous. Micha, un éducateur, est chargé de l'accompagner jusqu'à l'école, pour s'assurer qu'elle ne s'enfuit pas et ne s'attaque pas à ses camarades. Il parvient à amadouer la fillette et propose une piste qui pourrait la canaliser. 

Disponible sur OCS depuis le 17 avril et en DVD/VOD depuis le 06 octobre 2020

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