NADIA, BUTTERFLY - Pascal Plante

Retraite anticipée

Trouver un sens à sa vie est le but ultime de la jeunesse. Une grande pression est mise sur les épaules des adolescent‧es dès le lycée pour choisir quoi faire, quoi devenir. Certain‧es sont plus chanceux‧es, car dès leur plus jeune âge, ils et elles avaient un but, un chemin tout tracé. C’est le cas de nombreux‧ses sportif‧ves, qui puisent dans les entraînements un quotidien les emmenant vers leur rêve. Pour son deuxième long-métrage, Pascal Plante s’intéresse à une jeune nageuse olympique. Nadia vit ses dernières courses aux Jeux Olympiques de 2020, à Tokyo. À seulement 23 ans, au plus fort de sa carrière, elle a décidé de se retirer de la natation professionnelle pour reprendre ses études. Un choix difficile à assumer devant ses collègues et coachs, alors qu’elle a encore prouvé l’étendue de ses talents durant les épreuves.Nadia, Butterfly suit au plus près son personnage, son affranchissement d’une bonne partie de sa vie pour en commencer une nouvelle. 

Tout quitter pour une vie normale

Pascal Plante se détourne du drame sportif habituel. Ce qui l’intéresse, c’est son personnage et l’univers dans lequel elle vit. La première fois que nous voyons Nadia, elle vient de terminer quatrième à sa course de prédilection, la nage papillon, manquant de peu le podium. Essoufflée, elle doit pourtant répondre aux questions des médias, qui tournent bien évidemment autour de sa décision de partir. Filmée du point de vue des journalistes, Nadia se fait distante, presque froide. On la sent indécise, peu encline à se laisser aller aux confidences. La caméra continue de la suivre cependant, le regard change. Il n’est plus avide de questions, il accompagne Nadia dans ses réflexions. Le cadre se fera le reflet de ses émotions et ne la lâchera plus. De longs plans-séquence ponctuent la mise en scène, qui accompagne chaque mouvement de Nadia, jusque dans la piscine.  

Une des références du réalisateur était The Rider de Chloé Zhao. Nous sommes évidemment loin des grandes étendues américaines et pourtant, le rapprochement avec la réalisatrice oscarisée n’est peut-être pas aussi tiré par les cheveux. On sent dans la mise en scène la volonté de Pascal Plante d’unifier son personnage avec son environnement. Le corps de Nadia se fond dans l’eau, dans l’ambiance des J.O. Nadia, Butterfly est traversé par la question d’identité, par la mémoire du corps, par le sacrifice de l’enfance. Nadia est à un moment de bascule, le déchirement de quitter ce que l’on a toujours connu pour embrasser l’inconnu, ici une vie normale d’une jeune femme souhaitant devenir médecin. 

Un voyage initiatique vers l’après

Le récit se forge autour des nombreuses séparations : la dernière course avec ses coéquipières, la dernière réunion avec ses coachs, son dernier entraînement, sa dernière chambre partagée avec sa meilleure amie de toujours, Marie-Pierre, qui continue sa carrière… Malgré le foisonnement d’athlètes dans le cadre, Nadia finit toujours seule. S’enfermant dans une tente pour se changer, elle fond en larmes dans l’obscurité bleutée de sa bulle. Des mains viendront la soutenir à travers la toile, mais la métaphore fonctionne : malgré la proximité, les corps ne pourront plus se rejoindre car ils prennent maintenant un chemin différent. Alors que Nadia ne quitte presque jamais l’eau dans le premier tiers du film, la caméra suivant ses allers-retours dans la piscine, son corps quitte petit à petit son uniforme (le maillot de bain) pour des vêtements de ville (à l’effigie du Canada cependant) et se promène dans un univers plus urbain, touriste dans un Tokyo fourmillant de vie. La mise en scène prend vie grâce à cette dualité. Elle se délecte de l’aspect réel du monde sportif, renforcé par l’interprétation de Katerine Savard, véritable nageuse professionnelle, mais permet également des moments d’onirisme pur.

La fluidité des mouvements de caméra fait corps avec la volonté du cinéaste de mettre en avant tous les gestes techniques des nageuses, les entraînements intensifs, l’alimentation, les massages pour reposer le corps, le langage sportif. Nous sommes pourtant loin de l’énergie volontaire d’un Rocky, pour qui l’adversité passe par le fait de gagner et de dépasser ses limites. Dans Nadia, Butterfly, l’adversité c’est l’après. C’est le quotidien dénué de sacrifice, c’est sortir de sa bulle et vivre sa vie sans contrainte. Au travers de son personnage, le réalisateur québécois aborde la question du narcissisme des athlètes, du culte de la performance et du corps, un sujet tabou qui jette un froid entre les coéquipières. 

Pascal Plante filme une renaissance, un papillon qui sort de sa chrysalide non pas pour parcourir le monde, mais pour se construire un avenir. Un voyage initiatique, à la forme quasi documentaire, emprunt d’une langueur propre à décourager les spectateur‧trices venu‧es voir un drame sportif gorgé de dopamine.


Réalisé par Pascal Plante

Avec Katerine Savard, Ariane Mainville...

À 23 ans, Nadia prend la décision controversée de se retirer de la natation professionnelle et de s’affranchir d’une vie de sacrifices. Après une dernière course, les excès cachés du Village olympique offriront à Nadia un premier souffle de liberté. Mais à mesure qu’elle plonge dans l’inconnu, les doutes surgissent : qui est-elle réellement ?

En salle le 21 juillet 2021

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