LA DEMOISELLE ET LE DRAGON - Juan Carlos Fresnadillo
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Il était une fois, dans la contrée du survival
Plongez une girlboss dans un univers de fantasy bon marché et vous obtiendrez La Demoiselle et le dragon, une soupe tiède made in Netflix.
Il y a de ces films dont on regrette le visionnage avant même qu’il ait cours. Des films qui, parce qu’ils ne sont ni bien ni médiocres, ne peuvent même pas se targuer d’être de joyeux nanars à regarder pendant une soirée entre amis. Fort en la matière, Netflix s’est à nouveau courageusement engagé pour le féminisme avec La Demoiselle et le dragon, une création originale arrivée dans leur catalogue le 8 mars 2024. Réalisé par Juan Carlos Fresnadillo, dont le plus grand fait d’armes au cinéma a été 28 Semaines plus tard, le film de fantasy a surtout été mis en avant pour son casting : Millie Bobby Brown en rôle-titre, entourée des actrices de renom Robin Wright et Angela Bassett. Et (surprenant !) un dragon, doublé par la comédienne iranienne Shoreh Aghdashloo.
Les critiques le savent, il est plus facile de descendre un film qu’on a détesté que de défendre un film qu’on a adoré. Les pamphlets haineux et croustillants ont, après tout, la côte sur Internet. Mais pour autant, faut-il succomber à la tentation de s’acharner sur un film sans prétentions, qui a clairement la vocation d’être l’alternative “pas prise de tête” pendant une insomnie ? Il est inutile de s’attarder sur la mise en scène de La demoiselle et le dragon, qui est un cas d’école des productions originales de la gargantuesque plateforme de streaming. Pas vraiment plus de choses à dire sur la direction artistique du monde imaginaire où se déroule l’intrigue. Pas désagréable, elle coche toutes les cases de la fantasy grand public, avec même un petit côté vidéoludique dans certains aspects (malheureusement pas creusés).
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Toutes les princesses sont-elles rebelles ?
Ce ne sont pas les codes de la fantasy que l’on cherche à subvertir ici ; plutôt ceux du conte de fées, où devenir une “demoiselle en détresse” est un sport national. Promise au prince d’une contrée voisine, Elodie (Millie Bobby Brown) se révèle plus coriace que prévu quand les choses se gâtent. Elle s’engage dans une lutte pour sa survie aux accents féministes, devenue le symbole de toutes les jeunes filles qui ont été flouées avant elle. Jusqu’à domestiquer l’antagoniste en carton-pâte, et rétablir l’apaisement dans le Royaume.
Le problème, c’est que ce retournement de situation sent déjà le réchauffé. Pour survivre, Elodie doit envoyer valser tous ses colifichets, comme le corset qui enserre sa taille. Comme littéralement toutes les princesses (des plateformes de streaming, souvent) à qui elle succède. Il y a eu Belle dans le live-action de La Belle et la bête où Emma Watson a refusé d’en porter un en raison de sa symbolique anti-féministe. Il y a eu La Princesse de Joey King, où l’héroïne croise le fer et se défile à l’autel. Il y a eu le Cendrillon de Prime, où la princesse campée par Camila Cabello rêve de monter son entreprise, médiéval style. Dans les nouveaux contes de fées, toutes les princesses sont des girlbosses insipides, aux histoires cousues de fil blanc. Parce qu’il faut souscrire à tout prix au concept galvaudé de la “puissance féminine”, la subtilité de l’écriture est bannie du Royaume, et son absence dessert l’impact des personnages qui sont censées incarner le renouveau de la narration. Robin Wright est l’ombre monodimensionnelle d’une reine cruelle. Angela Bassett correspond en tous points à l’archétype de l’adjuvante noire, déshumanisant à souhaits. Quant à la “demoiselle et son dragon”, on se passera de commentaire. Dracarys ?
LEON CATTAN
La Demoiselle et le Dragon
Réalisé par Juan Carlos Fresnadillo
Écrit par Dan Mazeau
Avec Millie Bobby Brown, Robin Wright, Angela Bassett
Etats-Unis
Une jeune fille dévouée accepte d’épouser un prince séduisant. Mais elle découvre qu’elle a été choisie pour être sacrifiée et rembourser ainsi une dette ancienne. Enfermée dans une grotte, elle doit affronter un dragon cracheur de feu. Elle ne peut désormais plus compter que sur son intelligence et son courage pour espérer s’en sortir...
Sur Netflix le 8 mars.