Cannes 2023 : LE REGNE ANIMAL - Thomas Cailley
Les bêtes humaines
Thomas Cailley fait son retour au long-métrage avec un sympathique récit d’apprentissage post-apocalyptique, qui réussit son pari visuel à défaut d’être le film-catastrophe annoncé.
« La prochaine fois, on sera préparés. Sur nos gardes. » Premier film du réalisateur français Thomas Cailley, Les Combattants se terminait sur ces mots d’Adèle Haenel et Kevin Azaïs, prêts à affronter la catastrophe climatique qui s’annonçait. Près de dix ans plus tard et après une série (Ad vitam sur Arte) tièdement accueillie, le réalisateur revient au long-métrage avec Le Règne animal, coscénarisé avec Pauline Munier, et présenté dans la sélection Un Certain Regard ; avec ce deuxième film, il annonce plus franchement son goût pour le film de genre, à travers un récit qui flirte gentiment avec le body horror pour exprimer nos peurs de la mutation et de la catastrophe écologique.
Il y a deux ans, Julia Ducournau avait remercié Cannes de « laisser rentrer les monstres » pour la remise de sa Palme d’or ; dans la lignée de son cinéma, il semblerait bien que le monstrueux et la mutation des corps soient devenus les nouvelles peurs du siècle, tant ces thèmes irriguent les sélections du Festival cette année. C’est en tout cas de ces peurs que s’empare frontalement Thomas Cailley avec Le Règne animal, situé dans un futur proche où une étrange maladie transforme peu à peu certains humains en animaux. Émile, adolescent, s’installe avec son père dans le sud de la France pour accompagner sa mère transformée par la maladie. Sur fond de réflexion sur le repli sécuritaire sur soi et le rejet d’une industrialisation écocide, le récit suit l’installation d’Émile dans sa nouvelle ville et son rapport avec la maladie qui se répand de manière exponentielle.
Finalement plus sympathique que véritablement post-apocalyptique, Le Règne animal se révèle être un récit d’apprentissage classique, où la mutation animale devient symbole de quête d’identité et de liberté d’être soi. En réduisant la question de la maladie et de l’urgence écologique à un simple contexte pour le cheminement de son personnage, Thomas Cailley va adopter une narration parfois décevante, qui laisse de nombreuses pistes inexplorées et autant de questions ouvertes : comment la maladie se répand-elle ? Qu’est-il advenu de la mère d’Émile ? À quoi pouvait bien servir le personnage d’Adèle Exarchopoulos, gendarme rapidement délestée de ses missions ? Autant de questions trop vite expédiées par le scénario, qui se concentre davantage sur son aspect horrifique et sur la mutation de ses personnages.
Mais il faut bien dire que sur cet aspect-là, Le Règne animal est une belle réussite, grâce à des effets visuels d’une franche qualité et une iconographie travaillée de ce nouveau monde animal. Le pari était risqué, mais il est réussi ; et on pardonne alors les défauts d’écriture de ce second long-métrage, témoignage d’une volonté grandissante de la production française d’utiliser l’horrifique pour mettre en images nos peurs intimes.
MARIANA AGIER