PRIMADONNA - Marta Savina
Mémoire de lutte
Le cinéma français a vu fleurir plusieurs films de procès ces dernières années, souvent propices à une réflexion plus large sur un fait divers marquant. Examinant une ancienne loi patriarcale, c’est l’Italie qui se prête cette fois-ci à l’exercice par la caméra de Marta Savina, proposant un premier film délicat mais qui manque de vie.
Dans la lutte féministe, il est parfois bon d’examiner le chemin parcouru, et de se rappeler ce qu’il en était à une époque pas si reculée. C’est au souvenir d’une législation italienne des années 1960 que nous appelle la réalisatrice Marta Savina pour son premier film, et surtout celui de la première femme à se soulever à son encontre. À l’époque existe le « mariage réparateur » qui absout un homme coupable de viol dans le cas où celui-ci épouse sa victime par la suite. Un rouage législatif bien en place pour imposer un schéma patriarcal particulièrement implacable. Mais lorsque Lia se retrouve acculée dans cette situation, elle refuse dans un mouvement de colère cette union qui la dégoûte, et cherche réparation devant la justice.
Pour traiter un sujet aussi sérieux, le parti pris de réalisation est par contraste très délicat. Le film est pudique sur la manifestation de la violence, il la suggère, la fait se manifester par à-coups. C’est tantôt une pierre jetée par la fenêtre, tantôt un troupeau de vaches qui, comme invoqué, détruit les plantations du père de Lia. On ressent bien cette violence insidieuse des hommes du village, qui adoptent un comportement mafieux, dont les ramifications et les moyens d’agir semblent sans limites. La puissante famille de l’agresseur et le curé du village incarnent le pouvoir patriarcal qui s’abat directement sur Lia.
Si cette dernière peut toutefois agir à contre-courant, c’est grâce à son entourage, lui-même à la marge de la vie du village. En adoptant leur point de vue, le film rend compte de leur mode d’action limité au cours de ce laborieux chemin législatif. En plus de ses parents, ce sont deux laissés-pour-compte qui la soutiennent, un ancien maire dont l’homosexualité est suggérée à demi-mot, et une femme ayant trouvé en la prostitution un moyen d’émancipation financière. Ces personnages, au profil intéressant mais survolé, nous laissent un peu sur notre faim. Le père également, bien que sympathique, reste unidimensionnel, campé dans sa position de soutien. La mère se démarque tout de même par sa nuance, étant à la fois reproductrice d’un modèle social qu’elle subit, mais aussi cherchant le meilleur pour sa fille.
Mais c’est réellement Lia qui sort du lot, portée par l’interprétation subtile de Claudia Gusmano. Elle n’est pas caricaturée en héroïne d’une lutte définie comme telle par la postérité. Elle souhaite simplement avoir droit à une tranquillité qu’on veut lui retirer de force. Comme une simple jeune fille, elle oscille entre opposition fougueuse et recroquevillement jusqu’au dernier moment.
Malgré certains moments forts, le long-métrage peine à marquer, comme dilué dans le nuage électronique de sa bande sonore. Les scènes de joie familiale ne détonnent pas tant, les beaux paysages des monts sauvages Nebrodi paraissent trop froids. Au-delà de la maîtrise, un peu plus de chaleur et de spontanéité auraient pu créer des étincelles.
LÉA LAROSA