MARINETTE - Virginie Verrier

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Carton rouge 

Comment adapter la vie de la plus grande joueuse de football de l’histoire ? Comment offrir le récit hors norme de la vie et de la carrière de Marinette Pichon au public ?  C’est le défi que s’est lancé Virginie Verrier pour son deuxième long-métrage, adaptant la biographie de l’athlète. Le film de Verrier retrace la riche carrière sportive de son héroïne non sans peine ; à force de trop respecter la légende, il nous tient toujours à distance.

Marinette réussit tout face à l’adversité, à la vie comme sur le terrain. Ce manque de nuance la rend hermétique au spectateur et empêche le processus d’identification, objectif majeur de ce type de production. L’exercice tourne vite à la canonisation précoce de son héroïne. Certes, le film ne cache pas ses ambitions hagiographiques. Marinette est la meilleure de sa discipline et on ne pourra pas l’oublier, tant chaque plan nous martèle son génie et son habileté à maîtriser le ballon rond. On comprend le souci de la réalisatrice de mettre en valeur les compétences réelles d’une femme dans un milieu sexiste, misogyne et homophobe à prédominance masculine. Le cinéma connaît bien la position d’outsider, si bien qu’il en a fait un archétype exploité dans de nombreux genres – ici le film de sport, lui aussi très codifié et très masculin. Pourtant, même la représentation de cette excellence manque de souffle et d’une perspective neuve. On accède finalement peu à son intériorité tant elle n’est définie que par le prisme de ses accomplissements grandioses, le poids de l’icône écrasant la femme – même dans ses relations amoureuses presque annexes.

S’il est évident que la mission d’un biopic est de revenir sur la vie et l’œuvre de son protagoniste, il est dommage de constater qu’on incarne très peu par l’image et la parole les autres femmes du parcours de Marinette. Certes, sa mère tient un rôle clé, mais toutes les autres rencontres féminines qui jalonnent son parcours sont à peine nommées. Si bien que les néophytes ne feront pas la distinction entre telle joueuse ou telle entraîneuse ; pour un sport basé sur le collectif, c’est un comble.

Embêtant, quand on connaît l’engagement de Pichon sur les questions de parité et d’égalité salariale dans le monde du football professionnel, et sa bataille pour que les joueuses françaises de football obtiennent le statut de joueuse professionnelle  – ce qui n’est toujours pas le cas alors que l’ouverture de la prochaine Coupe du Monde de football féminin est imminente, après de nombreux rebondissements dans la recherche d’un diffuseur télévisuel.

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Côté mise en scène, le film impose une structure montée en flash-backs plus alourdissants les uns que les autres. Toutes les cases du récit prolétaire misérabiliste sont cochées et se déploient sans finesse. Le père abusif et la mère « courage » nous épuisent dans des scènes caricaturales dont on se serait bien passé, tant leur traitement est éculé. Cette chronologie boursouflée dévoile de sérieux soucis de rythme et déroule un scénario programmatique à l’excès qui, trop bon élève, préfère montrer chaque étape de la biographie de Pichon, au lieu de s’autoriser un travail de coupe et de resserrage narratif. Ainsi, on éprouve une sensation de répétition assez désagréable devant cette énumération pénible qui aurait mérité une approche sensorielle plus poussée et un montage moins clipé.

S’il manque quelque peu d’envergure quand il filme l’effervescence du stade de football (sûrement par manque de moyens), il le compense largement dans la passion qu’il insuffle à Marinette à chaque fois qu’elle tape du ballon. Dès le premier plan, c’est certain, Marinette et le foot, ce sera pour la vie. C’est cette envie qui se dégage finalement du film et c’est le soin apporté à cette vibration qui le fait tenir. Marinette, c’est l’amour du foot, mais c’est aussi l’amour d’une transmission dédiée à toutes les petites filles se rêvant athlètes professionnelles ; leurs posters punaisés dans les chambres d’une future génération de jeunes femmes, athlètes à leur tour.

LISA DURAND


Marinette

Réalisé par Virginie Verrier

Écrit par Virginie Verrier

Avec Garance Marillier, Emilie Dequenne, Alban Lenoir…

France

Marinette Pichon a le foot dans la peau dès son plus jeune âge. Élevée par une mère courageuse qui doit faire face à un mari violent, elle surmonte les difficultés et se forge une détermination sans faille. Alors qu’elle mène de front petits boulots et carrière sportive, elle est sélectionnée en équipe de France puis repérée par un grand club américain. Marinette débarque alors avec sa mère aux États-Unis, poursuivant le rêve de devenir la meilleure joueuse du monde.

Adaptation de la biographie Ne jamais rien lâcher parue aux éditions First en 2018.

Sorti en salles le 7 juin 2023.

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